Actualité législative
La direction des affaires juridiques de Bercy a publié le 21 septembre 2017 une fiche relative aux marchés publics de services juridiques.
Tout en rappelant le dispositif légal encadrant les prestations de représentation et de conseil juridique prévues par la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, la fiche mentionne que ce type de marchés de prestations intellectuelles sont soumis dans leur majorité aux règles de la commande publique. Seuls certains services juridiques sont exclus du champ de la commande publique en raison de leur lien avec l’autorité publique ou de leur mode de désignation par une autorité judiciaire (tels que les marchés de service de certification et authentification de document, tuteurs, etc.).
La fiche fait, ensuite, le point sur les différents types de prestations ainsi que les régimes de passation applicables à ces marchés en fonction de leur objet et rappelle les règles procédurales applicables aux marchés dont notamment la durée, les critères d’attribution et les modalités d’attribution du contrat.
Actualité jurisprudentielle
Nécessité d’une base légale pour exclure un candidat – Cour de justice de l’Union européenne, 13 juillet 2017, Saferoad Grawil sp. z.o.o, C-35/17.
La période de validité des offres remises dans le cadre d’une consultation relative à l’attribution d’un marché public de service de maintien d’une voie rapide avait expiré sans que le marché n’ait été attribué. Une partie des soumissionnaires ont décidé, de leur propre initiative, de prolonger la période de validité de leur offre.
La question de l’exclusion des opérateurs économiques n’ayant pas prolongé la période de validité se pose.
Après avoir rappelé que les principes de transparence et d’égalité de traitement exigent que les candidats connaissent préalablement les obligations qui pèsent sur eux et que ces dernières valent pour tous les concurrents, la Cour décide que ces mêmes principes s’opposent à l’exclusion d’un opérateur économique de la procédure de passation en cas de non-prolongation du délai de validité de son offre.
Au cas présent, la loi polonaise, s’agissant de la prorogation de la durée de validité de la soumission, dispose qu’un soumissionnaire est lié par son offre pendant le délai indiqué dans le cahier des charges, mais sans que ce délai puisse excéder, en fonction de la valeur d’un marché, 30, 60 ou 90 jours. Un soumissionnaire a la possibilité de proroger la durée de validité de son offre, de sa propre initiative ou à la demande du pouvoir adjudicateur.
Le code des marchés publics polonais énumère les hypothèses d’exclusion d’un soumissionnaire. Parmi celles‑ci figure la situation dans laquelle le soumissionnaire refuse de proroger la durée de validité de son offre à la demande du pouvoir adjudicateur, sans pour autant prévoir le cas de l’absence de prorogation de la durée de validité de l’offre dans d’autres cas, la demande de la part du pouvoir adjudicateur n’est pas sanctionnée.
Les documents du marché ne prévoyaient davantage une telle obligation de prolongation à la charge des opérateurs.
Il n’est donc pas possible d’exclure les autres opérateurs, dès lors que celle-ci n’est pas expressément prévue par les textes.
En droit français, le marché doit obligatoirement être signé durant la période de validité des offres sous peine d’irrégularité de la procédure, période devant obligatoirement être précisée dans les documents de consultation du marché.
En cas d’échéance du délai de validité des offres, l’acheteur peut solliciter de l’ensemble des candidats une prorogation ou un renouvellement de ce délai, mais la personne publique ne peut poursuivre la procédure de passation du marché qu’avec les seuls candidats ayant accepté la prorogation ou le renouvellement du délai de validité de leur offre (Conseil d’Etat, 10 avril 2015, Nouvelle Calédonie, n° 386912).
Pénalités de retard
Absence de modération des pénalités de retard – Cour administrative d’appel de Lyon, 22 juin 2017, Société Formeto, n° 15LY01307
Alors qu’un chantier avait été réceptionné avec retard en plus de l’émission de réserve, la collectivité a imputé des pénalités de retard au titulaire du marché en cause lors de l’émission du décompte général.
Après avoir rappelé que les retards étaient imputables à l’entreprise eu égard aux preuves communiquées par le pouvoir adjudicateur (compte-rendus de chantier, échanges de courriers, mise en demeure, etc.), la Cour juge que les pénalités infligées l’ont été pour sanctionner le retard dans l’exécution.
Toutefois, elle rappelle que depuis la jurisprudence OPHLM de Puteaux du Conseil d’Etat du 29 décembre 2008 (n° 296930), il est loisible au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de modérer ou d’augmenter les pénalités de retard résultant du contrat, par application des principes dont s’inspire l’article 1152 du code civil, si ces pénalités atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché.
Au cas présent, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, et notamment de ce que :
- la réalisation effective des travaux a été constatée le 20 mars 2013, la réception avec réserves prononcée le 23 mars, alors que l’échéance contractuelle avait expiré le 23 septembre 2012,
- le retard dans l’exécution des travaux a été constamment rappelé à la société dans les compte-rendus de réunion de chantier.
La somme de 55 459,10 euros, qui correspond à 48 % du prix du marché, n’est pas regardée comme manifestement excessive au regard des conditions dans lesquelles s’est déroulée l’exécution du marché.
En d’autres termes, des pénalités à hauteur de 48% du prix du marché ne sont pas manifestement excessives dès lors que les fautes commises, appréciées dans les circonstances de l’espèce, le justifient.
Office du juge – Conseil d’Etat, 19 juillet 2017, Centre hospitalier interdépartemental de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, n° 392707
Si les pénalités de retard prévues par les clauses d’un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu’est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d’exécution contractuellement prévus, il appartient au titulaire du marché de fournir aux juges tous les éléments de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif afin de permettre la modération desdites pénalités.
Au cas présent, un centre hospitalier a réceptionné des travaux de transformation d’un centre médico-psychologique et d’accueil thérapeutique à temps partiel pour adolescents avec trois ans de retard, infligeant dès lors des pénalités de retard d’un montant de 990 000 euros au titulaire, montant supérieur au prix du marché.
Alors que la Cour administrative d’appel avait réduit les pénalités de retard, le Conseil d’Etat revient sur cette analyse, en jugeant que des pénalités ne peuvent être modérées sans s’assurer du caractère manifestement excessif de celle-ci, ni vérifier l’étendue du préjudice réellement subi.
Critères d’attribution – Pénalités et sous-critère de la valeur technique – Cour administrative d’appel de Versailles, 22 juin 2017, Société Savoie Frères, n° 15VE02147
La Cour administrative de Versailles a validé le sous-critère technique relatif aux pénalités de retard reposant sur les propositions de pénalité de la part des opérateurs économiques eux-mêmes.
Au cas présent, les offres remises dans le cadre de la procédure adaptée relative à une opération de travaux de construction d’un gymnase, étaient appréciées au regard du critère du prix à hauteur de 40 % et du critère de la valeur technique à hauteur de 60 %.
Le critère de la valeur technique était décomposé en quatre sous-critères :
- la pertinence des moyens mis en œuvre pour respecter le planning ;
- la prise en compte de la sécurité ;
- la pertinence des procédés mis en œuvre ;
- la pénalité pour dépassement du délai fixé dans l’acte d’engagement, fixée par le soumissionnaire.
Pour la Cour, ce dernier sous-critère est légal en tant qu’il « tend à mesurer la capacité technique de l’entreprise à respecter des délais d’exécution et n’est pas sans lien avec le critère de la valeur technique de l’offre ».
Les critères d’attribution doivent être liées à l’objet du marché et ne pas être discriminatoires. Rien ne s’oppose à ce qu’un acheteur prévoie un critère technique relatif au montant des pénalités de retard proposé par le candidat dans son offre dès lors qu’il satisfait à ces deux exigences, compte tenu, notamment, de sa pondération, qui s’établissait à 10 % dans les circonstances de l’espèce. Une pondération exagérée peut en effet compromettre son lien avec l’objet du marché.