Newsletter CFPA – Janvier 2017
Actualité législative.
Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique – Promulgation de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de vie économique, dite loi « Sapin II ».
Après avoir adopté, en novembre 2016, le projet de loi et, l’avoir soumis à la censure du Conseil constitutionnel en décembre 2016, la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite Sapin II a été promulguée et publiée au journal officiel de la république française le 10 décembre 2016 et est donc entrée en vigueur à cette date.
Pour rappel, ce texte législatif qui n’a pas vocation première à réformer les marchés publics, procède à des modifications au sein de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics. Ainsi, les articles 38 et suivants de loi dite Sapin II :
- rétablissent l’interdiction des offres variables dans les marchés allotifs ;
- suppriment l’évaluation préalable pour les projets bénéficiant d’un investissement supérieur à 100 millions d’euros ;
- renforcent l’identification des offres anormalement basses ;
- suppriment la communication du casier judicaire en ce qui concerne les interdictions de soumissionner relatives aux condamnations judiciaires (article 45 1° et 4° de l’ordonnance du 23 juillet 2015), une déclaration sur l’honneur étant suffisante.
Cette dernière disposition, en particulier, met un terme à une polémique justifiée par l’absurdité du dispositif retenu en 2015, la production des extraits du casier judiciaire des entreprises (et de leurs dirigeants) apparaissant en pratique comme complètement disproportionnée au regard des objectifs poursuivis par la réglementation des marchés publics. Certes, les interdictions de soumissionner sont essentielles au respect de la concurrence, mais les modalités de contrôle mise en place compromettaient l’efficacité des achats, en menaçant, dans certains cas, de paralyser les procédures d’attribution.
Le retour de l’interdiction des offres variables rend toute sa portée à l’obligation d’allotir. L’attention des pouvoirs adjudicateurs est appelée sur le respect de cette obligation, au demeurant nécessaire à la vitalité d’un tissu économique local et favorable à la création d’emplois. En écarter l’application sans pouvoir le justifier expose toujours à un risque contentieux important.
La suppression de l’évaluation préalable obligatoire marque la volonté de simplifier les procédures, alors que les acheteurs réalisent déjà les études préalables nécessaires avant de passer des contrats atteignant de tels montants.
S’agissant, en revanche, du « durcissement » du régime de détection des offres anormalement basses, il est à craindre que le législateur tende toujours à frapper l’eau de son épée. En instaurant une nouvelle obligation, consistant à mettre en œuvre « tous moyens pour détecter les offres anormalement basses lui permettant de les écarter » (art. 53 de l’ordonnance de 2015), la loi ne fait que répéter ce que tous les acheteurs savent, à savoir qu’ils ont l’obligation de rechercher et d’exclure les offres anormalement basses. Le problème est que s’ils connaissent leurs obligations, il est trop souvent constaté qu’ils ne l’appliquent pas. Diverses raisons l’expliquent, parmi lesquelles la pression exercée sur les acheteurs pour obtenir un prix bas, les offres insincères et trompeuses présentées par certains concurrents mais, également, la crainte du contentieux. Le problème ne vient donc aujourd’hui pas des textes.
Pour autant, la portée du nouveau texte est réelle. Les acheteurs ont désormais l’obligation de démontrer qu’ils ont effectivement accompli toutes leurs diligences pour détecter les offres anormalement basses, à défaut de quoi la responsabilité de leur collectivité pourra être engagée.
Ces nouvelles dispositions s’appliqueront aux procédures de passation dont un avis d’appel public à la concurrence a été envoyé à la publication à compter du 10 décembre 2016, date d’entrée en vigueur de la loi.
En outre, concernant le droit de la commande publique, la loi dite Sapin II :
- autorise le Gouvernement à adopter la partie législative du code de la commande publique, par voie d’ordonnance ;
- ratifie les ordonnances des 23 juillet 2015 et 29 janvier 2016 relatives, respectivement, aux marchés publics et aux concessions.
Mise à jour des fiches techniques sur le site de la DAJ
Afin de tenir compte de l’entrée en vigueur de la loi dite Sapin II, la Direction des affaires juridiques du Ministère de l’économie et des finances a actualisé les fiches pratiques relatives à l’allotissement, l’examen des offres, les offres anormalement basses, l’examen des candidatures et les avances au regard des modifications apportées par la loi.
Actualité jurisprudentielle relative à la sous-traitance.
Les conditions pour prétendre au paiement direct – Cour administrative d’appel de Nancy, 30 juin 2016, n° 15NC01096.
Le pouvoir adjudicateur est dans l’obligation de procéder au paiement direct des sous-traitants de son titulaires, pour la part de marché dont ils assurent l’exécution, dès lors qu’il a accepté le sous-traitant et agréé ses conditions de paiement.
Au cas d’espèce, le titulaire du contrat avait présenté un avenant au contrat afin de faire agréer et accepter le sous-traitant et ses conditions de paiement. Toutefois, si l’avenant comportait les informations nécessaires à l’acceptation du sous-traitant, il s’est révélé lacunaire quant aux précisions sur les conditions de paiement, et n’a pas permis à la collectivité territoriale de les agréer. Partant de là, le sous-traitant ne pouvait prétendre au paiement direct et engager la responsabilité de la collectivité.
La responsabilité de la collectivité en cas de sous-traitance occulte – Cour administrative de Nantes, 14 juin 2016, Monsieur A, n° 14NT01668
En cas de sous-traitance occulte, la jurisprudence a considéré que la responsabilité du maître d’ouvrage pouvait être engagée dès lors qu’il avait connaissance de la présence et de la qualité du sous-traitant.
En l’espèce, le sous-traitant d’un cotraitant d’un Centre hospitalier, intervenu, au titre de deux contrats, pour la réalisation de mission de bureau d’études techniques généralistes, avait saisi le tribunal administratif afin d’obtenir le paiement de ses prestations.
Débouté en première instance, il interjette appel.
En ce qui concerne le premier contrat, la Cour administrative d’appel, après avoir rappelé que lorsque le pouvoir adjudicateur a connaissance de la présence d’un sous-traitant lors de l’exécution d’un marché, il doit mettre en demeure le titulaire du contrat de procéder à sa déclaration. Il suffit donc que le pouvoir adjudicateur ait rempli ses obligations de mise en demeure pour faire obstacle à ce que sa responsabilité puisse être engagée.
Au cas présent, le titulaire du contrat n’avait jamais présenté une demande d’agrément en dépit des mises en demeure. Le sous-traitant ne pouvait donc légitimement engager la responsabilité du centre hospitalier, il lui reste la possibilité d’engager celle du titulaire du contrat.
La sévérité de cette solution, certes conforme à la loi de 1975, peut être critiquée. Il suffit au titulaire du contrat d’ignorer la mise en demeure, et le sous-traitant ne pourra bénéficier du paiement direct. Le fait que le pouvoir adjudicateur ne sanctionne pas le titulaire du contrat, en ne donnant aucune suite à sa mise en demeure non suivie d’effet, n’est pas pris en compte.
Par ailleurs, la loi de 1975, rappelons-le, a été votée pour mettre un terme au phénomène des faillites en cascade, observé lors du premier choc pétrolier. Il est donc absurde de renvoyer le sous-traitant à une action en responsabilité contre le titulaire du marché, puisque ce dernier a potentiellement été placé sous la protection du régime de la liquidation judiciaire. Autant dire que le sous-traitant ne dispose le plus souvent d’aucun recours.
Le juge révèle donc ici un angle mort de la législation, qu’il appartient au législateur de combler rapidement. Il est également important que les pouvoirs adjudicateurs suivent l’exécution de leurs contrats en toute conscience. Une mise en demeure non suivie d’effet doit pouvoir être sanctionnée au titre du marché.
En ce qui concerne le second contrat, le centre hospitalier a démontré que l’intervention du requérant lors de l’exécution du contrat présentait l’apparence du représentant du titulaire du marché, et pas celle d’un sous-traitant. Dès lors, le sous-traitant ne pouvait engager la responsabilité du Centre hospitalier dans la mesure où il méconnaissait sa qualité de sous-traitant, et ne pouvait être regardé comme ayant eu connaissance acquise de son intervention.