Toute l’actualité des marchés publics – Décembre 2017

Actualité législative

La Commission européenne a lancé une concertation relative aux nouveaux seuils d’application des directives européennes 2014/24/UE relative aux marchés publics secteurs classiques, 2014/25/UE relative aux marchés publics secteurs spéciaux et 2014/23/UE relative aux contrats de concessions. L’Euro ayant été orienté à la baisse ces deux dernières années, les seuils seront relevés.

Le relèvement des seuils préconisé serait de :

  • 135 000 à 144 000 € HT pour les marchés publics de fournitures et de services de l’État ;
  • 209 000 à 221 000 € HT pour les marchés publics de fournitures et de services des collectivités territoriales et pour les marchés publics de fournitures des autorités publiques centrales opérant dans le domaine de la défense ;
  • 418 000 à 443 000 € HT pour les marchés publics de fournitures et de services des entités adjudicatrices ;
  • 5 225 000 à 5 548 000 € HT pour les marchés publics de travaux et pour les contrats concessions.

Les Etats avaient jusqu’au 3 novembre pour faire connaitre leur position, l’avis fixant les nouveaux seuils doit être publié au Journal officiel, au plus tard, le 31 décembre 2017.

Actualité jurisprudentielle.

Variantes et exigences minimales – Tribunal administratif de Poitiers, 26 juillet 2017, n° 1701532.

Lorsque l’acheteur souhaite profiter des connaissances d’un candidat pour proposer des solutions innovantes ou de nouveaux moyens d’exécution, il est en droit d’autoriser les variantes.

Les variantes sont des solutions dérogatoires aux spécifications techniques souhaitées par l’acheteur. Leur recevabilité est conditionnée au respect des exigences minimales définies dans les documents de la consultation. Le régime des exigences minimales a évolué avec la nouvelle réglementation.

Si, comme par le passé, les variantes doivent être expressément autorisées dans les marchés passés selon une procédure formalisée et pas expressément interdites dans les marchés passés selon une procédure adaptée, les modalités de présentation des exigences minimales se sont assouplies.

L’article 58 III du décret du 25 mars 2016 précise à cet effet :

« III. – Lorsque l’acheteur autorise expressément ou exige la présentation de variantes, il mentionne dans les documents de la consultation les exigences minimales que les variantes doivent respecter ainsi que toute condition particulière de leur présentation. »

La rédaction de ces dispositions est analogue à celui du code des marchés publics. Le juge en retient, pour autant une lecture plus souple.

A la suite d’une procédure de passation d’un marché public de transports scolaires, un candidat évincé a remis en cause la légalité de la procédure de passation au motif que les exigences minimales relatives aux variantes n’avaient pas été suffisamment précises quant à leurs caractéristiques et qualités attendues. En l’occurrence, le règlement de la consultation précisait : « les variantes doivent permettre de réaliser un service public de qualité au moins égale à la solution de base ». Si une telle rédaction par le passé aurait été susceptible d’être jugée illégale (Cour administrative d’appel de Bordeaux, 2 octobre 2014, 12BX02584), le juge des référés du Tribunal administratif de Poitiers en a décidé autrement.

Il a jugé que « par cette mention, il résulte de l’instruction que le département a entendu imposer que les variantes présentées répondent aux besoins de chaque lot en respectant l’ensemble des exigences du CCTP, tout en admettant l’adaptation des circuits et la modification des enchainements. Ainsi les exigences auxquelles étaient soumises les variantes pouvaient être comprises des candidats ».

Dès lors le candidat évincé n’a pas été privé de la possibilité de présenter une variante, ses intérêts n’ont pas été lésés.

Travailleurs détachés – Conditions de légalité des clauses d’interprétariat – Clause Molière (Conseil d’Etat, 4 décembre 2017, Région Pays de la Loire, n° 413366 ; Tribunal administratif de Lyon, 13 décembre 2017, Préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, n° 1704687)

 

Les clauses « Molière » ont pour objet d’imposer l’usage exclusif du français sur les chantiers. Les clauses d’interprétariat s’en distinguent, elles consistent à imposer aux titulaires de marchés de travaux que le personnel présent sur les chantiers justifie d’une maîtrise suffisante du français et, si tel n’est pas le cas, qu’il prévoit l’intervention d’un interprète dans les langues concernées.

Plusieurs collectivités ont tenté d’insérer ce type de clauses au cours de l’année. Or, leur légalité; fut remise en cause par la réglementation.

L’instruction interministérielle du 27 avril 2017 relative aux délibérations et actes des collectivités territoriales imposant l’usage du français dans les conditions d’exécution des marchés qualifiait, sans ambiguïté, les clauses dites « Molière » d’illégales. Elle rappelait en effet qu’au regard de l’état du droit en matière de travail détaché, et notamment :

    • l’illégalité de principe pour les acheteurs publics d’interdire le recours à des travailleurs détachés,
    • la prohibition de toute discrimination directe ou indirecte à l’égard des opérateurs économiques et des travailleurs des autres États membres,
    • les droits dont bénéficient les travailleurs détachés.

Les clauses dites « Molière » sont en conséquence contraires au principe d’égalité et peuvent, même, confiner à un détournement de pouvoir afin de donner la priorité aux entreprises locales.

Le juge administratif a pris deux décisions complémentaires qui définissent un cadre juridique relativement clair.

Le tribunal administratif de Nantes avait validé l’application des clauses d’interprétariat dans les Pays de Loire (Tribunal administratif de Nantes, 7 juillet 2017, n° 1704447 ;

Le Conseil d’Etat saisi en cassation de l’ordonnance rendue par le Tribunal administratif de Nantes a jugé que la clause d’interprétariat pouvait, sous certaines conditions, être légale.

En l’espèce, la région Pays de la Loire avait lancé une procédure de passation pour l’attribution d’un marché public de travaux de mise en accessibilité handicap et de réfection des salles de cours d’un lycée où figurait une clause d’interprétariat. Le Préfet de région demandait l’annulation de la procédure.

Après avoir rappelé que les travailleurs détachés sont soumis aux mêmes règles que les travailleurs nationaux, notamment en ce qui concerne les libertés individuelles, la protection maternité, les garanties dues aux salariés, et les règles de sécurité sur un chantier auxquelles le maitre d’ouvrage doit s’assurer de leur respect, le Conseil d’Etat a validé la clause d’interprétariat.

Le pouvoir adjudicateur peut imposer, parmi les conditions d’exécution d’un marché public, des exigences particulières destinées à prendre en compte des considérations relatives à l’économie, à l’innovation, à l’environnement, au domaine social ou à l’emploi, sous réserve que ces considérations présentent un lien suffisant avec l’objet du marché. Pour autant, une mesure nationale qui restreint l’exercice des libertés fondamentales garanties par le droit de l’Union européenne ne peut être admise, sauf à satisfaire trois conditions :

  • poursuivre un objectif d’intérêt général,
  • être propre à garantir la réalisation de cet objectif,
  • ne restreint pas l’exercice de ces libertés au-delà de ce qui est strictement nécessaire à l’atteinte de cet objectif.

En l’occurrence, la clause d’interprétariat a pour objet de garantir une parfaite compréhension des droits sociaux par les personnels et leur sécurité, ainsi que celles des visiteurs, en s’assurant qu’ils comprennent les ordres et directives de chantier. Le Conseil d’État regarde cette clause comme légale dès lors qu’elle s’applique indistinctement à toute entreprise, quelle que soit sa nationalité. Elle ne peut dès lors être qualifiée de discriminatoire, ni entraver la libre circulation. Le Conseil d’État juge, en outre, qu’elle présente un lien suffisant avec l’objet du marché et poursuit un objectif d’intérêt général dont elle garantit la réalisation sans aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.

Le Tribunal administratif de Lyon était saisi, pour sa part, dans le cadre d’un déféré préfectoral. Il a annulé la délibération de la région Auvergne-Rhône-Alpes; approuvant le dispositif régional de lutte contre le travail détaché. Ce dispositif prévoyait l’usage systématique de la clause « Molière » dans les marchés passés par la région.

Il a jugé que cette clause, qui imposait l’usage du français sur les chantiers, constituait un détournement de pouvoir : le dispositif avait pour objet, non d’assurer la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, mais d’exclure les travailleurs détachés et de favoriser les entreprises régionales en méconnaissance des principes de la commande publique.

Sur le régime des travailleurs détachés, rappelons que le décret n° 2017-825 du 5 mai 2017 relatif au renforcement des règles visant à lutter contre les prestations de services internationales illégales, renforçait les obligations des maîtres d’ouvrages lorsqu’ils souhaitaient recourir aux travailleurs détachés.

Ainsi, depuis le 1er juillet 2017, les maitres d’ouvrage doivent demander au sous-traitant ou à l’entreprise de travail temporaire, établis à l’étranger, une copie de la déclaration de détachement avant le début de chaque détachement sur le territoire national.

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