Newsletter CFPA – Mai 2018
Actualité législative
Seuils européens : actualisation des fiches de la direction des affaires juridiques du Ministère de l’économie, des finances, de l’action et des comptes publics.
La DAJ a mis à jour les tableaux relatifs aux règles de passation au regard des nouveaux seuils de procédure publiés le 1er janvier 2018.
Actualité jurisprudentielle
La régularisation des offres – Conseil d’État, 16 avril 2018, société SNT Petroni, n° 417235.
Par une décision en date du 16 avril 2018, le Conseil d’État a fortement incité les acheteurs à régulariser les offres au risque dans le cas contraire de voir le marché annulé.
Dans le cadre de la procédure de passation d’un marché public de travaux relatifs à l’aménagement d’une section de route départementale, un opérateur économique a vu son offre écartée pour irrégularité. La société avait joint à son offre le bordereau de prix initialement communiqué et non celui modifié en cours de consultation. Le bordereau comportait ainsi des différences avec celui attendu.
Après avoir rappelé les dispositions de l’article 59 du décret du 25 mars 2016 qui :
- définit une offre irrégulière comme une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation,
- offre la possibilité à l’acheteur de régulariser les offres sans que la régularisation ait pour effet de modifier les caractéristiques essentielles des offres.
Pour le Conseil d’État, l’offre n’était pas irrégulière. D’abord, la seule erreur sur le bordereau de prix ne permettait pas de qualifier l’offre d’irrégulière. Ensuite, l’acheteur aurait pu lever toute ambiguïté en procédant à la régularisation de l’offre.
Par cette décision, d’une part le Conseil d’État semble durcir la qualification d’une offre en offre irrégulière et d’autre part, diminuer en filigrane le libre arbitre de l’acheteur de procéder ou non à la régularisation des offres.
Cependant, cette incitation est à mesurer. Par une décision en date du 21 mars 2018, le Conseil d’État a rappelé que la régularisation d’une offre est à la libre appréciation de l’acheteur. C’est une faculté qui lui est offerte et non l’expression, pour le soumissionnaire, d’un droit à régularisation (Conseil d’État, 21 mars 2018, SCPA, n° 415929).
Il faut donc en déduire un régime juridique articulé en deux temps :
- L’acheteur reste en principe seul juge de l’opportunité de recourir ou non à la faculté de régularisation.
- Dans l’hypothèse dans laquelle une offre serait ambiguë, l’acheteur ne peut la rejeter sans solliciter le soumissionnaire au préalable dans le cadre d’une démarche de régularisation.
Cette lecture constructive de la réglementation des marchés publics est cohérente avec la mise en œuvre du contradictoire, obligatoire en matière de contrôle du caractère anormalement bas d’une offre ou dans le cadre d’une interdiction de soumissionner facultative. Elle permet surtout d’éviter les évictions pour des motifs trop formels, qui relèverait d’une approche purement juridique, mais économiquement désastreuse. L’effet d’une éviction pour de semblables motifs, pour une entreprise qui a investi des moyens de production dans l’élaboration d’une offre, est totalement contreproductif et nocif pour la concurrence.
Notation des offres – Conseil d’État, 4 avril 2018, Ministère des armées, n° 416577 et Conseil d’État, 6 avril 2018, Société Nouvelle d’Entreprise Générale du Sud-Ouest, n° 402219.
Par deux décisions, le Conseil d’État est venu préciser une nouvelle fois le régime de notation des offres.
Pour rappel, l’acheteur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre des critères de sélection. Cette dernière ne doit pas nécessairement être communiquée aux opérateurs économiques, à la différence des critères de sélection des offres.
Pour être régulière, la méthode de notation ne doit pas priver de leur portée les critères de sélection ou neutraliser la pondération et conduire ainsi à ne pas retenir l’offre économiquement la plus avantageuse (Conseil d’État, 24 mai 2017, société Techno Logistique, n° 405787).
Dans la décision du 4 avril 2018, l’acheteur, dans le cadre de la passation d’un accord-cadre à bons de commande pour la création et la maintenance d’un système de gestion des bibliothèques numériques, avait prévu d’évaluer les offres au regard d’un critère technique pondéré à 70 % et un critère financier pondéré à 30 %.
Pour l’appréciation de ce critère financier, il avait mis en place plusieurs scénarios financiers aux coefficients différents. Le choix retenu par l’acheteur lui permettait « de valoriser particulièrement les efforts réalisés par les candidats quant aux prestations fournies en sus des prestations minimales exigées par le marché ainsi que l’appréciation portée par l’administration sur l’importance respective des différents postes de dépense ». Ce choix est régulier dès lors qu’il n’a pas pour effet « que, pour la mise en œuvre du critère financier, la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre ni à ce que, au regard de l’ensemble des critères pondérés, l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie ».
Dans le cadre de la décision du 6 avril 2018, l’acheteur d’un marché public de travaux décomposé en dix lots techniques (décomposition d’un marché en plusieurs ensembles de prestations techniques) avait prévu une méthode de notation du critère prix consistant à faire une moyenne des prix des lots techniques, sans prendre en compte le poids de chaque lot.
Cette façon de procéder rend la procédure irrégulière. Les modalités de calcul de la notation du critère technique ne permettent pas de tenir compte de la grande disparité des valeurs des différents lots ni par suite, d’identifier l’offre dont le prix était effectivement le plus avantageux. Le Conseil d’État préconise d’appliquer aux notes attribuées aux sociétés candidates pour chaque lot technique, tant au titre du critère du prix que de la valeur technique, un coefficient de pondération tiré du rapport entre la valeur de chaque lot et la valeur estimée de l’ensemble du marché, afin que le calcul de la note globale attribuée aux offres déposées permette de tenir compte de la disparité des valeurs des différents lots techniques constituant le marché faisant l’objet de la procédure d’attribution.
Appréciation de la valeur technique – Conseil d’État, 5 février 2018, Métropole Nice Côte d’Azur, n° 414508.
Dans une décision en 5 février 2018, le Conseil d’État a rappelé que lorsque le pouvoir adjudicateur prévoit que la valeur des offres sera examinée au regard d’une caractéristique technique déterminée, il lui incombe d’exiger la production de justificatifs lui permettant de vérifier l’exactitude des informations données par les candidats.
Au cas présent, « la métropole n’était pas tenue de demander des justificatifs aux candidats » dès lors que le règlement de la consultation ne faisait pas de l’âge des véhicules utilisés une exigence particulière sanctionnée par le système d’évaluation des offres.