Newsletter CFPA – Avril 2018
Actualité législative
Généralisation de l’usage du DUME
Depuis le 1er avril 2018, les acheteurs sont tenus d’accepter le DUME si celui-ci est présenté en lieu des places des formulaires DC1 et DC2 relatifs à la candidature des opérateurs économiques.
Le DUME, document unique de marché européen, est un formulaire européen permettant aux opérateurs économiques de présenter leur candidature dans le cadre de la procédure d’attribution d’un marché public. Le formulaire permet aux entreprises de remplir une seule fois les informations relatives à la candidature et par la suite de ne procéder qu’à leur actualisation. Il est stocké par l’entreprise sur le portail que la Commission européenne a spécialement mis en place à cet effet, e-Dume.
L’obligation d’admettre le DUME à la place des formulaires DC1 et DC2 s’impose depuis le 1er avril 2017 aux centrales d’achat, elle est depuis le 1er avril 2018 étendue à l’ensemble des autres acheteurs. Le DUME se substitue, également, à l’usage du régime des marchés publics simplifiés, qu’il complète.
Les MPS, marchés publics simplifiés, permettent aux entreprises de répondre à un marché public en renseignant leur seul numéro SIRET. Cependant, le recours aux MPS est laissé à la libre appréciation des acheteurs, ces derniers devant accepter ce mode de candidature dans les documents de la consultation et prévoir les modalités de sa mise en œuvre.
A l’inverse le recours au DUME peut résulter soit de la volonté de l’acheteur soit de celle de l’entreprise.
Concrètement, le recours au DUME est opéré par :
- l’acheteur. Ce dernier prépare un DUME sur son profil d’acheteur en renseignant les informations relatives à sa consultation et communique les identifiants du formulaire aux entreprises afin qu’elles y recourent lors de leur dépôt de candidature.
- les opérateurs économiques. Il leur suffit, pour déposer leur dossier de candidature, d’adresser à l’acheteur, via le profil d’acheteur, le formulaire DUME et ses pièces justificatives, tel qu’il a été pré-rempli et stocké sur le portail e-Dume lors du dépôt de leur candidature.
Le DUME s’inscrit dans le cadre de la politique de dématérialisation des marchés publics et du principe « Dites-le nous une fois », il a vocation à contribuer à la simplification de la commande publique pour les entreprises, dont il constitue un élément important.
Dématérialisation – Publication de l’arrêté relatif à la signature électronique
La Direction des affaires juridiques complète les textes nécessaires à la réalisation de l’objectif de dématérialisation du 1er octobre 2018. L’arrêté du 12 avril 2018 relatif à la signature électronique dans la commande publique (NOR : ECOM1800780A) a été publié au Journal officiel du 20 avril 2018. Il abroge et remplace celui du 15 juin 2012.
L’arrêté définit les modalités d’utilisation de la signature électronique et du certificat qualifié nécessaire pour que le signataire d’un marché public puisse être considéré comme ayant valablement donné son consentement et prend en considération la transition entre l’application du référentiel général de sécurité et l’application du règlement européen (UE) n° 910/2014 du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques (eIDAS). La signature :
- doit être une signature « avancée » reposant sur un certificat qualifié, tel que défini par le règlement eIDAS ;
- peut être une signature « qualifiée » au sens du même règlement.
Code de la commande publique : donnez votre avis !
La Direction des affaires juridiques du ministère de l’économie a mis en ligne, le 23 avril 2018, le premier volet du projet de code de la commande publique, sur lequel chacun est appelé à donner son avis. Un second volet sera mis en ligne le 14 mai 2018. Les avis sont recueillis jusqu’au 28 mai 2018.
Actualité jurisprudentielle
Interdiction de soumissionner – Cour de justice de l’Union européenne, 8 février 2018, Lloyd’s contre agence régionale per la protezion dell’Ambie, te della calabria, C-144/17
Le droit européen autorise des restrictions au principe de la liberté d’accès à la commande publique, mentionnées dans les directives. Lorsqu’un candidat entre dans une des catégories prévues à la réglementation telles que la faillite, la liquidation judiciaire, une condamnation pénale, le non-paiement des impôts, etc., le pouvoir adjudicateur doit rejeter ladite candidature sans même procéder à son analyse.
La directive 2014/24/UE du 26 février 2014 fixe des cas d’exclusion obligatoire mais laisse aux États la possibilité d’en prévoir d’autres, voire même des cas d’exclusion facultative qu’il revient au pouvoir adjudicateur d’actionner.
Dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour de justice, la législation italienne prévoyait l’exclusion des soumissionnaires qui « ont avec un autre soumissionnaire à la même procédure une relation de contrôle […], ou ont avec lui une quelconque relation, même de fait, si ce contrôle ou cette relation impliquent que les offres sont imputables à un seul centre de décision ». Se posait la question de la conformité de ce cas d’exclusion, qui vise à éviter tout risque de collusion des entités membres d’une même organisation, avec le droit européen.
En effet, au cours d’une procédure de passation d’un marché d’assurance, l’acheteur avait été destinataire d’offres de deux syndicats appartenant au groupe Lloyd’s, chacune signée par le mandataire spécial du représentant du groupe Lloyd’s italien. En application de la réglementation italienne, l’acheteur a rejeté les deux offres.
Après avoir rappelé que les États membres avaient la faculté d’établir des cas d’exclusion en sus de ceux prévus par le droit communautaire afin de maintenir le respect des principes d’égalité de traitement et de transparence, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que le cas d’exclusion tel que prévu par le droit italien visait à sauvegarder l’égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures.
Au cas présent, l’acheteur avait rejeté les offres en tant que les syndicats étant dépourvus de personnalité juridique autonome, ils étaient contraints d’agir par l’intermédiaire de leur représentant général, ayant dès lors la connaissance de la teneur de chacune des offres de nature à compromettre l’autonomie et le secret de ces dernières affaires.
Toutefois, le principe de proportionnalité ne permet pas « l’exclusion automatique de candidats ou de soumissionnaires qui se trouvent dans un rapport de contrôle ou d’association avec d’autres concurrents va au-delà de ce qui est nécessaire pour prévenir des comportements collusoires et, partant, pour assurer l’application du principe d’égalité de traitement et le respect de l’obligation de transparence ».
En l’espèce, l’exclusion des deux offres du seul fait de la signature par une même personne apparaît disproportionnée eu égard à son caractère automatique. Avant tout rejet des offres, il revient à l’acheteur de s’assurer que les candidats se sont concertés entre eux quant au contenu de leur offre. La Cour de justice de l’Union européenne enjoint ainsi, la juridiction nationale de s’assurer que les offres en question ont été présentées de manière indépendante.
En définitive, le droit européen ne s’oppose pas, sur la base d’éléments incontestables, à l’exclusion de candidats dont les offres n’ont pas été formulées de manière indépendante mais n’autorise pas l’exclusion automatique des offres au seul motif qu’elles ont été signées par le même représentant légal.
Suspension d’un contrat administratif – Clause Molière – Cour administrative d’appel de Paris, 13 mars 2018, Préfet de la Région Île de France, n° 17PA03641
Une clause « Molière » est une stipulation qui consiste à imposer, lors de l’exécution du contrat, pour des motifs de sécurité, la compréhension et l’usage du français par le personnel ou à défaut, le recours à un interprète.
Son usage peut, également, représenter un frein à la libre concurrence et l’égal accès à la commande publique et fait donc l’objet d’un contentieux fourni.
Au cas présent, la Cour administrative d’appel de Paris a eu à juger la légalité d’une telle clause au regard des intentions qu’elle portait.
Dans le cadre d’un marché d’exploitation d’une usine d’épuration, le contrat stipulait que « la langue de travail pour les opérations préalables à l’attribution du marché et pour son exécution est le français exclusivement ». Selon la Cour, cette stipulation est suffisamment en contrariété avec les libertés fondamentales garanties par le droit communautaire et notamment, le droit de la commande publique, pour qu’elle accorde au représentant de l’État la suspension du contrat. Cette suspension, selon elle, ne porte pas une atteinte excessive à l’intérêt général « compte tenu des possibilités […] de prolongation du contrat de l’exploitant actuel ».
La suspension d’un marché public est une mesure qu’il est possible de solliciter du juge dans le cadre d’un recours en contestation de la validité d’un contrat, par un mémoire écrit distinct, en application de l’article L. 521-1 du code de justice administrative. En pratique, le juge n’accorde que très rarement cette suspension. Même si le préfet peut obtenir cette suspension plus facilement qu’un autre requérant, il est révélateur que le juge lui donne satisfaction au motif de la présence, dans le contrat, de la clause « Molière ». Dans le jugement au fond, qui n’est pas attendu avant plusieurs mois, la Cour devrait confirmer le caractère irrégulier de la clause et en tirer les conséquences sur le marché.