Newsletter CFPA – Juin 2019
Actualité législative et réglementaire
Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (dite loi PACTE)
La loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises est entrée en vigueur.
Ce texte, important, comprend trois dispositions intéressant le droit de la commande publique, dont deux sont particulièrement attendus par les entreprises :
- Article 106 relatif à l’affacturage inversé : il permet aux acheteurs, avec l’accord du fournisseur, de demander à un établissement de crédit, une société de financement ou un fonds d’investissement alternatif, d’assurer le paiement anticipé de certaines créances détenues par le fournisseur sur l’acheteur.
Le régime du paiement anticipé, également dit « affacturage inversé », est peut-être la solution permettant de mettre un terme aux retards de paiement dans le secteur public. S’il devait rencontrer le succès qu’il mérite, ce dispositif constituerait une étape importante dans la modernisation du droit de la commande publique.
- Article 193 relatif à la facturation électronique qui vient compléter la partie législative du code de la commande publique. Le décret est attendu dans les prochains mois. Il permettra l’entrée en vigueur des dispositions tant législatives que réglementaires. Dans cette attente, l’ordonnance du 26 juin 2014 relative au développement de la facture électronique s’applique.
- Article 195 introduit l’article L. 2194-3 du code de la commande publique qui dispose « les prestations supplémentaires ou modificatives demandées par l’acheteur au titulaire d’un marché public de travaux qui sont nécessaires au bon achèvement de l’ouvrage et ont une incidence financière sur le marché public font l’objet d’une contrepartie permettant une juste rémunération du titulaire du contrat. ».
Ce texte, très attendu des opérateurs économiques dans le secteur de la construction, rend illégale la pratique des ordres de service valorisé à zéro euro, qui consistait, pour le maître d’ouvrage, à commander une prestation supplémentaire par ordre de service en l’absence d’accord avec le titulaire du marché sur le prix de cette prestation. Le maître d’ouvrage émettait un ordre de service, valorisé à zéro euros, pour permettre au chantier d’avancer et en renvoyant au décompte le soin de fixer le prix. Avec le temps, des maîtres d’ouvrage avait fini par y recourir en l’absence même de discussion sur le prix, faisant ainsi peser sur la trésorerie de leurs cocontractants une contrainte totalement injustifiée.
Actualité jurisprudentielle
Décompte général et définitif – Conseil d’État, 6 mai 2019, Société Icade Promotion, n° 420765
Dans le cadre d’une opération de construction, à la suite de l’établissement du décompte général et définitif, la société titulaire du lot électricité a sollicité une indemnisation complémentaire en se prévalant des préjudices subis du fait d’une exécution dans des conditions anormales et non conformes au contrat.
Après avoir constaté que l’assistant au maitre d’ouvrage avait manqué à ses obligations de conseil et de coordination du chantier, et le maitre d’ouvrage à ses responsabilités, le juge administratif les a condamnés solidairement à indemniser le titulaire du lot électricité de ses préjudices à hauteur de 125 411 euros HT assorti des intérêts au taux légal.
L’assistant à maitre d’ouvrage a contesté sa condamnation au motif que le décompte avait un caractère général et définitif.
Pour autant, le Conseil d’État considère que la circonstance que le décompte général d’un marché public soit devenu définitif ne fait par elle-même pas obstacle à la recevabilité de conclusions d’appel en garantie du titulaire du marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage par le maître d’ouvrage, sauf s’il est établi que ce dernier avait eu connaissance de l’existence du litige avant qu’il n’établisse le décompte général du marché et qu’il n’a pas assorti le décompte d’une réserve, même non chiffrée, concernant ce litige.
Or, au cas présent, les pièces du dossier établissent que le maitre d’ouvrage avait connaissance de l’existence du litige relatif au marché avant l’établissement du décompte général et définitif, par la réception de la réclamation formée le 12 avril 2012 par le groupement titulaire du marché, il n’a pas assorti le décompte d’une réserve concernant ce litige. Dans un tel cas, le caractère définitif du décompte fait obstacle à ce que le centre hospitalier puisse appeler l’assistant à maitrise d’ouvrage à le garantir des condamnations prononcées à son encontre au titre de ce marché. Ses conclusions d’appel en garantie dirigées contre cette société doivent, par suite, être rejetées.
Pouvoir d’exécution du contrat et juge du contrat – Conseil d’État, 29 mai 2019, Université Paris 1, n° 428628.
Par un considérant de principe, le Conseil d’État est venu rappeler qu’il n’appartient pas au juge administratif d’intervenir dans l’exécution d’un marché public au profit de l’administration dès lors que celle-ci dispose des pouvoirs nécessaires pour assurer l’exécution du contrat. Cependant, il en va autrement quand l’administration ne peut user de moyens de contraintes à l’encontre de son cocontractant qu’en vertu d’une décision de justice.
Au cas présent, l’Université de Rennes 1 avait conclu un contrat de fourniture de services d’adduction à un réseau très haut débit entre plusieurs de ses sites. A la suite d’une rupture du faisceau hertzien, le titulaire du contrat n’a plus été en mesure de se conformer à ses obligations de débit. L’université l’a mis en demeure de satisfaire à ses obligations contractuelles. Sans réponse satisfaisante du titulaire, l’université a saisi le juge des référés d’enjoindre le titulaire de se conformer à ses obligations sous astreinte.
Ayant utilisé l’ensemble des moyens de contraintes à sa disposition, le Conseil d’État, dans la ligne d’une décision rendue en 2016 (Conseil d’État, 19 juillet 2016, Centre hospitalier Andrée Rosemon, n° 399178) a reconnu à l’université la possibilité de saisir le juge des référés pour contraindre son cocontractant à assurer l’exécution du contrat.
Pondération des critères – Cour administrative d’appel de Nantes, Société Erics Associés, n° 17NT01869.
Dans le cadre d’une procédure de passation relative à un marché à bons de commande en vue de la réalisation de prestations de formation au profit du personnel militaire et civil du service du commissariat des armées, les critères et la pondération retenue étaient de 90 % sur le critère technique et de 10 % sur le critère du prix.
Un des candidats évincés a introduit un recours au motif que la pondération était irrégulière. La Cour administrative d’appel a suivi le raisonnement du requérant et considéré que la pondération mise en œuvre était irrégulière dès lors qu’en l’absence de circonstances particulières le justifiant dans le cadre de la procédure en cause, elle avait pour effet de neutraliser le critère prix et ainsi, de ne pas permettre de retenir l’offre économiquement la plus avantageuse.
L’attention des acheteurs doit ainsi être appelée sur le fait qu’une pondération déséquilibrée au point de pouvoir neutraliser un critère n’est pas régulière, sauf circonstances particulières au regard de l’objet du marché ou de ses caractéristiques. Neutraliser le critère du prix n’est pas la méthode permettant d’éviter l’attribution du marché à une offre anormalement basse. L’acheteur doit procéder à une analyse des coûts de l’offre, et prendre une décision d’élimination de l’offre irrégulière en toute connaissance de cause.