L’actualité législative.
Ces derniers mois le pouvoir législatif a apporté des modifications à l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics. Il est temps d’en faire la synthèse.
La loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.
L’article 91 de la loi du 7 juillet 2016 a inséré un article 35 bis dans l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative à l’identification de la maitrise d’œuvre.
L’article 35 bis dispose que dans le cadre de l’exécution d’un marché public global, l’équipe de maitrise d’œuvre en charge de la conception et du suivi du marché doit être identifiée. Il dispose également que pour les ouvrages de bâtiments, la mission confiée au maître d’œuvre « comprend les éléments de la mission définie à l’article 7 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, adaptés à la spécificité des marchés publics globaux ».
Cette insertion dans l’ordonnance vise à assurer la place et l’indépendance des architectes lors de l’exécution d’un marché public global, dans le cadre duquel il est possible de déroger à l’interdiction d’associer, dans un même contrat, le maître d’œuvre et le constructeur, conformément à l’article 18 de la loi du 12 juillet 1985 (loi MOP). Elle favorise ainsi un accès direct des cabinets de maîtrise d’œuvre à l’attribution des contrats globaux. La notion de mission de base « adaptée à la spécificité de marchés globaux » appelle toutefois à être précisée.
L’adoption de la loi Sapin 2 annonce de plus profondes modifications au texte de juillet 2015. Une fois n’est pas coutume, affaire à suivre…
Le formulaire Dume mis en ligne
Faisant suite au règlement d’exécution du 5 janvier 2016 de la Commission européenne relatif à la mise en place de DUME, la Commission a mis en ligne la plateforme eDume.
Le DUME, document unique de marché européen, est un formulaire ayant vocation à simplifier les candidatures des entreprises. Le formulaire permet dorénavant aux entreprises, en cas de procédure dématérialisée, de remplir une seule fois les informations relatives à la candidature et par la suite de ne procéder qu’à leur actualisation.
La plateforme mise en place permet de remplir le formulaire en ligne et ainsi soit de l’envoyer, à l’acheteur, en format papier soit de lui faire parvenir en format dématérialisé.
Les critères de jugement des candidatures et des offres – Dernières évolutions jurisprudentielles – Le contrôle du juge.
L’actualité jurisprudentielle.
La question du contrôle du juge sur l’analyse effectuée par l’acheteur sur les candidatures et les offres reste soumise au principe qui interdit au juge de se substituer à l’administration. Il ne lui revient pas de classer les offres et encore moins d’apprécier les mérites respectifs des candidats.
Le contrôle qu’opère le juge est un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation au regard des critères définis par l’acheteur. En d’autres termes, le juge regarde si le pouvoir adjudicateur a commis une erreur grossière lors de l’appréciation des candidatures et des offres. Si tel n’est pas le cas, le juge ne pourra prononcer l’annulation de la procédure de passation et encore moins la résiliation du contrat ou l’indemnisation du candidat évincé.
La jurisprudence de ces derniers mois illustre parfaitement la mise en œuvre du contrôle par le juge.
Cour administrative d’appel de Nantes, 28 juin 2016, Société Granimond, n° 14NT01114.
Une commune a lancé une procédure de passation en vue de la réalisation d’un site cinéraire comprenant un columbarium et un jardin de souvenir dans le cimetière communal.
Pour apprécier les offres des candidats, le règlement de la consultation prévoyait les critères suivants :
- 50% pour le prix,
- 30% pour la valeur technique de l’offre,
- 20% pour les délais d’exécution.
La valeur technique de l’offre était appréciée au regard de trois sous-critères :
- 10% au vu de la planche photographique,
- 10% au vu de la production des références, fiches techniques et types de matériaux mis en œuvre et références de réalisations similaires,
- 10% en fonction des moyens humains au regard des CV et références.
Une des sociétés évincées a contesté les notes qui lui avaient été attribuées lors du jugement de la valeur technique de son offre. Elle attendait donc du juge qu’il vérifie le travail opéré par le pouvoir adjudicateur.
Concernant l’appréciation portée par le pouvoir adjudicateur sur le sous-critère « références, fiches techniques et types de matériaux », la société évincée avait certes précisé qu’elle aurait recours à du granit rose de Bretagne, mais la Cour a souligné qu’eu égard à la variété de granits roses existants, l’offre du candidat qui se bornait à mentionner l’utilisation du granit rose, sans préciser la provenance ni la nuance précise n’avait pas fait preuve de la plus grande exactitude. A l’opposé, l’attributaire avait indiqué avec précision la nuance de rose choisi accompagné d’une fiche technique précise. Pour le juge, la différence de précision entre les offres a justifié la différence de notation.
Le même raisonnement a été appliqué en ce qui concerne le sous-critère relatif aux moyens humains. La société évincée indiquait qu’elle garantissait un délai de 3 à 4 semaines alors que la société attributaire prévoyait un délai d’exécution entre 6 et 8 semaines avec un nombre de personnes affectées au chantier plus important. Or, dans la mesure où les délais d’exécution constituaient un critère à part entière, l’affectation d’un plus grand nombre de personne justifiait l’égard de notation.
En outre, le pouvoir adjudicateur doit veiller à communiquer les motifs suffisamment explicites de la décision de rejet de l’offre en réponse aux demandes écrites de communication des motifs d’éviction, alors même que le texte ne prévoit plus depuis 2009 que les motifs apportés en réponse à une demande de communication de motifs soit « détaillés ». Dans ce sens, la communication du tableau des notes obtenues par les entreprises candidates aux différents critères, sans un mot d’explication, ne peut valoir communication des motifs détaillés de l’offre.
La nouvelle réglementation ne change pas le régime de la communication des motifs d’éviction. Il conviendra simplement de noter que l’obligation d’information spontanée incombant au pouvoir adjudicateur lors de l’attribution du contrat est expressément applicable à l’ensemble des procédures dont les procédures adaptées.
L’article 99 du décret du 25 mars 2016 prévoit qu’en procédure adaptée, l’acheteur est tenu d’informer les candidats du rejet de leur candidature ou de leur offre. Les motifs de rejet seront quant à eux communiqués sur demande du candidat.
Cour administrative d’appel de Douai, 2 juin 2016, Communauté de communes de l’Abbevillois, n° 14DA00525.
Dans cette affaire la question posée était certes similaire mais soulevait d’autres problématiques.
Il s’agissait d’un marché pour la construction d’un dépôt de bus comportant notamment un lot n°2 portant sur le gros œuvre. Les critères retenus étaient :
- le prix pour 40%,
- la valeur technique pour 50%,
- le délai d’intervention pour 10%.
Le critère relatif à la valeur technique était apprécié au regard de trois sous-critères.
La société évincée a obtenue 4,5 sur 5 pour le premier sous-critère relatif à la valeur technique, la plaçant en seconde position. Or, l’application du règlement de la consultation rendait impossible l’attribution d’une notation de 4,5 sur 5 à la société évincée.
Au regard des pièces produites, il est indéniable que l’attribution d’une telle note a été due à la mise en œuvre erronée de la méthode de notation. Pour le juge, la comparaison des mémoires techniques des deux sociétés concurrentes ne fait apparaître aucune différence substantielle de niveau entre les deux offres, tant sur la qualité que sur la provenance des matériaux. En outre, le tableau d’analyse des offres rédigé par le maître d’œuvre de l’opération pour éclairer la commission, attribuait une notation identique aux deux sociétés. Ainsi, la distinction faite par la commission d’appel d’offres est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.
Au regard de ces décisions, on ne peut que constater qu’à aucun moment le juge administratif ne se substitue à l’acheteur et analyse l’offre en lieu et place de l’acheteur. L’acheteur public conserve son pouvoir d’analyse, pouvoir discrétionnaire au regard des mérites respectifs de chaque candidat. Le contrôle du juge lui ne porte que la cohérence entre la notation et les critères de jugement.
La méthode de notation des offres n’a pas nécessairement à être communiquée aux candidats – CJUE, 14 juillet 2016, TNS Dimarso NV, C-6/15
La Cour de justice de l’Union européenne est une nouvelle fois venue rappeler que le pouvoir adjudicateur n’était pas tenu de porter à la connaissance des soumissionnaires la méthode d’évaluation des offres.
Le Conseil d’Etat avait déjà eu l’occasion de juger dans ce sens (Conseil d’Etat, 31 mars 2010, Collectivité territoriale de Corse, n° 334279).
Si le pouvoir adjudicateur n’avait pas porté à la connaissance des candidats la méthode de notation, l’entreprise évincée n’aurait eu aucun argument lui permettant de reconnaître l’illégalité de la procédure de passation. Dès lors, pour éviter de s’exposer inutilement au risque contentieux, il revient à l’acheteur de se poser la question de la valeur ajoutée et de la pertinence de la communication de la méthode d’évaluation retenue au regard des critères d’attribution choisis et de son apport pour les candidats lors de la formalisation de leur offre.