La loi du marché
Si pour Montesquieu « le juge n’est que la bouche qui prononce les paroles de la loi » (l’Esprit des lois, 1748), il n’est pas illusoire, au lendemain de la clôture du festival du 68ème festival de Cannes, de penser que « l’acheteur public applique et subit la loi du marché », aussi bien à travers les dispositifs juridiques applicables (décret actuel vs projet d’ordonnance en instance), qu’avec les pièces de l’exécution du contrat qu’il prépare, notamment dans un champ concurrentiel. Que retenir de ce mois écoulé ? Une naissance royale (le 2 mai, clin d’œil, le hasard n’existe pas !) ? La mort de B.B King ? Le nombre de jours de chômés renvoyant le viaduc de Millau à une vulgaire passerelle qu’on ne reverra pas avant 2046 (si si !) ? Non, faisons simple ; le titre éponyme du mois durant lequel chacun est sensé faire ce qui lui plaît (foutaise !) nous vient des juges cannois, dans une ambiance plus strass et paillettes que ceux des salles d’audience. Oublions la déculottée de l’Eurovision, ou la petite culotte de Sophie (Marceau….et pas la Girafe) qui récidive après ce sein qu’on saurait voir (2006), c’est la consécration d’un homme, d’un artiste qu’on voudrait (presque ?) avoir comme pote avec le film de Brizé que je retiendrai : la consécration mérite patience, et la patience, c’est jouer le jeu.
Des évolutions réglementaires impactant les formulaires de la DAJ/BERCY
NOTI 1 et NOTI 3 ont gravi ensemble, presque en toute discrétion, le tapis rouge des mises à jour : concernant le NOTI 1, son évolution est presque insignifiante, mais elle peut être lourde de conséquente pour l’acheteur-indolent. Elle est le résultat du décret n° 2015-364 du 30 mars 2015, relatif à la lutte contre les fraudes au détachement de travailleurs et à la lutte contre le travail illégal, prévoyant de nouvelles obligations en matière de détachement des travailleurs et de législation sociale. La DAJ a procédé en conséquence à la mise à jour des points 11.1.2.2 et 17.1.2 du Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics, ainsi qu’à la création d’un point 17.1.3 consacré aux obligations en matière de détachement des travailleurs. Ont également été actualisées la fiche technique « Marchés publics et dispositif de lutte contre le travail dissimulé », et la notice du formulaire NOTI 1. Le changement, ….c’est maintenant : le seuil à partir duquel ces formalités s’imposent, L’article 13 du décret n° 2015-364 du 30 mars 2015 relatif à la lutte contre les fraudes au détachement de travailleurs et à la lutte contre le travail illégal relève le seuil de 3 000 à 5 000 € H.T (art. 13 du décret). Alors attention à vos MAPA de très faibles montants.
S’agissant du NOTI 3, qui permet au pouvoir adjudicateur de notifier aux candidats le rejet de leur candidature ou de leur offre, sa rubrique F décrit les voies de recours qui sont ouvertes aux concurrents évincés. Elle est modifiée pour prendre en compte la fermeture du recours pour excès de pouvoir (REP) contre les actes détachables préalables à la conclusion du contrat par le Conseil d’Etat dans sa décision « Département du Tarn-et-Garonne » du 4 avril 2014 (n°358994). Depuis cet arrêt, les décisions de rejet d’une candidature ou d’une offre ne peuvent plus faire l’objet d’un REP devant le juge administratif. Les actes détachables préalables à la conclusion du contrat administratif ne peuvent être désormais contestés qu’à l’occasion d’un recours de pleine juridiction en contestation de la validité du contrat (Tropic). En revanche, la décision de déclarer la procédure infructueuse ou sans suite est toujours susceptible d’être contestée par un REP. La rubrique F du formulaire prévoit la situation particulière où le pouvoir adjudicateur informe le candidat non seulement du rejet de sa candidature ou de son offre mais également de l’infructuosité de la procédure. Dans cette hypothèse, il est rappelé que le candidat peut exercer un recours pour excès de pouvoir contre cette décision.
Coup de projecteur sur l’arrêt « Tarn et Garonne »
Moteur, action : Jusqu’au 4 avril 2014, le recours en contestation de validité d’un contrat était uniquement ouvert aux parties signataires du contrat et aux concurrents évincés (CE Ass., 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation, n°291545). La décision du 4 avril 2014 marque une véritable évolution jurisprudentielle. Désormais tous les tiers susceptibles d’être lésés par la passation d’un contrat ou par ses clauses peuvent saisir le juge du contrat d’un recours en contestation de validité de celui-ci. La création de cette nouvelle voie de recours fait l’objet d’un encadrement. En effet, pour saisir le juge le tiers doit justifier que ses intérêts sont susceptibles d’être lésés de « manière suffisamment directe et certaine ». De plus, il ne peut se plaindre que des « vices du contrat en rapport direct avec l’intérêt lésé dont il se prévaut ou de ceux d’une gravité telle que le juge devrait les relever d’office ». Dans sa décision le Conseil d’État précise les pouvoirs étendus du juge lorsqu’il est saisi d’un tel recours : il peut décider la poursuite des relations contractuelles, inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu’il fixe ou résilier le contrat. Dans le cas où le contrat a un contenu illicite ou s’il se trouve affecté d’un vice de consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité, le juge, après avoir vérifié que sa décision ne porte par une atteinte excessive à l’intérêt général, peut en prononcer l’annulation totale. De plus, ces sanctions peuvent s’accompagner d’une condamnation à indemnisation du tiers requérant. Ce recours peut être exercé dans les deux mois qui suivent l’accomplissement des mesures de publicité appropriées. Enfin, il est à noter que pour des raisons de sécurité juridique, ce recours ne peut être exercé que pour les contrats conclus après la publication de cette décision c’est à dire après le 4 avril 2014. « Considérant qu’indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ; que cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu’au représentant de l’Etat dans le département dans l’exercice du contrôle de légalité ».
Tout cela n’est pas du cinéma, laissez-nous alors vous montrer, en court-métrage ou pas, la réalité de ces scénarios….dont vous êtes toutes et tous les acteurs !