Pas de trêve de fin d’année pour les acteurs de la commande publique
L’attente de réformes d’une autre ampleur ne dépare pas le quotidien des acteurs de la commande publique : ni répit, ni repos ne sont au programme.
La réglementation n’accorde aucun répit – Publication des nouveaux seuils de procédure de passation des marchés publics et du DUME
Fidèle à ce qui devrait être fêté telle une tradition, le pouvoir réglementaire a publié, en fin d’année, les nouveaux seuils de procédures formalisées applicables aux procédures lancées à compter du 1er janvier 2016. Le décret n° 2015-1904 du 30 décembre 2015 modifiant les seuils applicables aux marchés publics et autres contrats de la commande publique dispose que les nouveaux seuils sont :
- pour les marchés de fournitures et de services de l’État et de ses établissements publics : 135 000 € HT ;
- pour les marchés de fournitures et de services des collectivités territoriales, des établissements publics de santé et des établissements du service de santé des armées, ainsi que pour les marchés de fournitures conclu dans le domaine de la défense et les marchés de services de recherche et développement soumis à mise en concurrence : 209 000 € HT ;
- pour les marchés passés par les entités adjudicatrices et les marchés de défense ou de sécurité : 418 000 € HT ;
- pour les marchés de travaux : 5 225 000 € HT.
Le décret modifie également en conséquence le seuil à partir duquel le contrôle de légalité est obligatoire en application du code général des collectivités territoriales.
La Commission européenne a adopté, de son côté, le 5 janvier 2016, le règlement d’exécution tant attendu, établissant le formulaire type pour le document unique de marché européen, le « DUME » (Règlement d’exécution (UE) 2016/7 de la Commission du 5 janvier 2016 établissant le formulaire type pour le document unique de marché européen). Ce document vise à réduire les lourdeurs administratives rencontrées par les opérateurs lorsqu’elles candidatent aux procédures de passation des marchés publics et favoriser la participation transfrontalières aux procédures de passation des marchés publics.
Au-delà des polémiques sur les 13 pages de formulaire à remplir par les entreprises, il faut reconnaître l’effort de simplification accompli par la Commission depuis les premières versions de l’automne 2014, retoquées par les Etats membres, dont la France. Le DUME est long, mais il se substituera aux formulaires DC1 et DC2.
Le DUME est une déclaration sur l’honneur des opérateurs économiques « servant de preuve a priori » certifiant que ces derniers :
- ne se trouvent pas dans l’une des situations qui peuvent entrainer l’exclusion (partie III du DUME),
- répondent aux critères de sélection applicables (Partie IV du DUME),
- le cas échéant, respectent les critères mis en œuvre par le pouvoir adjudicateur pour limiter le nombre de candidats (Partie V).
Les informations fournies dans le DUME pourront être réutilisées pour les procédures ultérieures. L’opérateur économique devra alors veiller à les mettre à jour, l’acheteur public pouvant toutefois, à tout moment, demander la communication des documents attestant des informations certifiées dans le DUME.
En plus d’une meilleure lisibilité pour l’ensemble des parties, les acheteurs n’auront pas besoin de remplir la partie I du document concernant les informations relatives à la procédure de passation et au pouvoir adjudicateur, celle-ci sera automatiquement remplie dès la publication au JOUE de l’avis d’appel public à la concurrence, pour autant que la version électronique du DUME soit utilisée.
La Commission laisse évidemment à la libre appréciation des Etats le soin d’étendre l’utilisation du DUME aux procédures en dessous des seuils et aux concessions. Il convient sans doute d’encourager cet usage sous ces seuils, afin que les candidats puissent optimiser leurs dossiers de candidature quelle que soient les procédures. Un seul formulaire pour tout le monde, ce serait un gage d’accessibilité et de simplicité.
Le DUME devrait faire l’objet d’un arrêté d’application du futur décret relatif aux marchés publics.
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La jurisprudence n’autorise aucun repos. Recevabilité du sous-traitant à introduire un recours en contestation de validité du contrat, précisions sur les conditions d’indemnisation du candidat évincé et office du juge dans le contrôle de la notation des offres.
Le Conseil d’Etat précise les conditions de recevabilité du recours en contestation de validité du contrat d’un sous-traitant (Conseil d’Etat, 14 octobre 2015, Région Réunion, n° 391183)
Le Conseil d’Etat a fait preuve en fin d’année d’une certaine témérité. Il a considéré qu’un sous-traitant était recevable à demander l’annulation d’une procédure de passation d’un marché public, s’il justifie d’un préjudice suffisamment direct et certain.
Il met ainsi fin aux désaccords qui subsistaient sur ce point entre les juridictions inférieures sur la question de la recevabilité d’un sous-traitant à contester la validité d’une procédure de passation d’un marché public (Tribunal administratif de Saint-Denis, 30 juin 2008, M. Ary Claude X. c/ Chambre des Métiers de La Réunion, n°0800833 ; TA de Marseille, 23 décembre 2008, Association Provence action service, Cabinet liaisons humaines, société recherche et formation, n° 0808294, 0808522, 0808531 ; Tribunal administratif de Paris, 8 novembre 2006, Société FORSUP Conseil c/ ACFCI, n° 0615298).
En l’espèce, l’intervention du sous-traitant dans l’exécution du marché était certaine. Tant la prestation qu’il lui revenait d’exécuter que ses références sur lesquelles s’est fondée l’offre présentée, a permis au juge de considéré que la présence de la société était indissociable du groupement ayant présenté l’offre.
On peut en conclure qu’un sous-traitant potentiel, non présent au stade de la présentation des offres ne pourra être considéré comme jouissant de la qualité pour agir. Plus largement, la seule qualité de sous-traitant n’ouvre pas automatiquement la voie du recours en contestation de validité ou du référé précontractuel ; seul le sous-traitant indissociable des autres membres du groupement candidat sera recevable à contester la validité du contrat.
L’irrégularité d’une offre exclue toute indemnisation pour le candidat évincé.
La Cour administrative d’appel de Nancy a rappelé que le candidat évincé à la passation d’un marché public dont l’offre était irrégulière ne pouvait prétendre à l’indemnisation de son préjudice (Cour administrative d’appel de Nancy, 8 décembre 2015, Système Son c/ Commune de Toul, n° 15NC00425).
Le juge exerce un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation sur la notation des offres par le pouvoir adjudicateur (Cour administrative d’appel de Versailles, 22 octobre 2015, Société Alsatec, n° 13VE01660 ; Cour administrative d’appel de Paris, 14 décembre 2015, Société Sarre et Moselle, n° 15PA00580).
Les Cours administratives d’appel de Versailles et de Paris sont venues rappeler en fin d’année, que le juge administratif n’exerçait qu’un contrôle restreint sur la notation des offres. Ce contrôle ne l’empêche pas, toutefois, de vérifier que le pouvoir adjudicateur a respecté le principe d’égalité de traitement des candidats et plus particulièrement, les critères et leur mise en œuvre que le pouvoir adjudicateur s’était imposé dans le dossier de consultation. Le contrôle du juge s’effectue, notamment, au regard du mémoire technique des candidats et du rapport d’analyse des offres.
Dans la première affaire, la Cour administrative d’appel de Versailles n’a pu que constater que le pouvoir adjudicateur avait commis une erreur manifeste d’appréciation en notant de manière identique le critère relatif aux caractéristiques techniques de l’offre des deux sociétés candidates alors que la solution technique proposée par l’attributaire était inférieure à celle de la requérante.
Dans la seconde affaire, la Cour administrative d’appel de Paris, après avoir constaté que l’offre présentée par le candidat évincé ne prévoyait pas, contrairement à l’attributaire, une équipe spécialement dédiée à la mission et qu’au surplus, le cabinet de gestion était un cabinet généraliste et nullement spécialisé à l’objet du marché, a considéré que c’était à juste titre que le candidat évincé avait reçu une note plus faible sur ce critère. La procédure d’attribution n’était donc entachée d’aucune irrégularité et le recours devait être rejeté.
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2016 sera dense. Qu’elle soit, surtout, une très belle année pour chacune et chacun d’entre vous.