Le Conseil d’État précise les modalités d’appréciation par le juge d’une demande d’indemnisation d’un candidat irrégulièrement évincée d’une procédure de passation d’un contrat public.
Un opérateur économique irrégulièrement évincé à une procédure d’attribution d’une délégation de service public pour l’exploitation de remontées mécaniques, demande au juge administratif de condamner la commune à l’indemniser de son manque à gagner ou des frais de présentation de son offre.
Le juge de première instance fait partiellement droit à sa demande en condamnant la commune à indemniser les frais de présentation de son offre. Or, la cour d’appel saisie, réforme ce jugement en condamnant la commune à indemniser le manque à gagner. La commune se pourvoit en cassation.
Le Conseil d’État applique sa jurisprudence CE, 18 juin 2003, Groupement d’entreprises solidaires ETPO Guadeloupe n° 249630, en estimant qu’en cas d’éviction irrégulière d’un candidat à la procédure d’attribution d’un contrat public, le juge examine premièrement si l’entreprise était dépourvue de toute chance de remporter le contrat. Si oui, l’entreprise n’a aucun droit à l’indemnité. A défaut, elle a droit au remboursement des frais de présentation de son offre. Le juge cherche secondement si l’entreprise avait des chances sérieuses d’emporter le contrat. Si oui, l’entreprise a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant les frais de présentation de l’offre.
Par la suite, le Conseil d’État estime que, si l’irrégularité ayant affecté la procédure et les chances sérieuses de l’entreprise d’emporter le contrat sont établies, le juge vérifie qu’il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et le préjudice dont le candidat demande l’indemnisation (CE, 10 juillet 2013, Compagnie martiniquaise de transports, n° 362777) et apprécie le caractère certain du préjudice.
Dans le cas de l’espèce, le juge considère que comme le contrat a été résilié, pour apprécier le préjudice directement causé par l’irrégularité du contrat et évaluer le montant de l’indemnisation, il faut prendre en compte les motifs et effets de la résiliation dans la situation où le contrat avait été conclu avec le concurrent irrégulièrement évincé et si la résiliation avait été prononcé pour les mêmes motifs.
Ainsi, cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en estimant que la résiliation du contrat initialement signé est sans incidence sur le droit à l’indemnisation du manque à gagner du concurrent évincé, sans tenir compte des motifs et des effets de cette résiliation.
Le Conseil d’État annule l’affaire et la renvoie devant la même cour administrative d’appel.
Dans cette décision le Conseil d’État durcit les conditions d’évaluation du montant d’indemnisation d’un candidat irrégulièrement évincé d’un marché résilié après attribution. Désormais, outre la démonstration par l’opérateur économique de l’irrégularité du rejet de son offre, du caractère certain de son préjudice ainsi que du lien direct de causalité entre le rejet de son offre et le préjudice subit, l’évaluation du montant de l’indemnisation demandée tient compte les motifs et les effets de la résiliation du contrat.