La procédure d’attribution d’un contrat en cours de négociation est fragilisée dès lors qu’une erreur technique a rendu accessibles les informations confidentielles couvertes par le secret des affaires.
Dans cette affaire, durant la procédure de négociations pour l’attribution d’une concession sur la délégation de service public de l’eau potable, une des sociétés participantes a été destinataire des informations confidentielles de l’autre société, à la suite d’un dysfonctionnement informatique.
L’autorité concédante décide en conséquence de mettre un terme aux négociations et d’attribuer le contrat sur la base des offres intermédiaires déposées par les soumissionnaires. Ce faisant, les opérateurs économiques n’avaient plus à soumettre les offres finales comme prévu.
La société concernée demande au juge des référés d’annuler la décision d’interrompre les négociations et d’enjoindre la reprise de la procédure de passation conformément aux règles fixées dans le règlement de consultation. La société requérante se pourvoit en cassation contre le jugement rejetant ses demandes.
Le Conseil d’État se base sur les dispositions du code de la commande publique relatives à l’exclusion des soumissionnaires ayant entrepris d’obtenir des informations confidentielles leur donnant un avantage indu (art. L. 3123-8 du CCP). Il ajoute que cette exclusion facultative « est constituée lorsque l’autorité concédante identifie des éléments précis et circonstanciés indiquant que l’opérateur a effectué des démarches qu’il savait déloyales en vue d’obtenir des informations dont il connaissait le caractère confidentiel et qui étaient susceptibles de lui procurer un avantage indu dans le cadre de la procédure de passation. »
Or, dans le cas présent, les informations confidentielles obtenues ne sont pas susceptibles de donner un avantage indu dans le cadre de la procédure car d’une part, la fuite est la conséquence d’une erreur de programmation de la plateforme utilisée par l’autorité concédante et d’autre part, le bénéficiaire de ces informations avait renoncé à les utiliser dans la mesure où il en avait averti l’autorité concédante avant la poursuite des négociations et le dépôt de l’offre finale. Ce faisant, l’autorité concédante n’était pas tenu d’exclure l’opérateur bénéficiaire des informations de la procédure de passation.
Le Conseil d’État applique sa jurisprudence Société Transdev (CE 8 novembre 2017, Société Transdev, n°412859) laquelle admet qu’une autorité concédante puisse déroger aux règles fixées dans le règlement de la consultation dès lors que cela est justifié par « les circonstances très particulières de l’espèce et en l’absence de manœuvre ».
Le juge considère que dans les circonstances très particulières et en absence de manœuvre, l’autorité concédante a légalement modifié le déroulement de la procédure en renonçant à recueillir les offres finales afin de remédier à la transmission des informations confidentielles.
Ainsi, le pourvoi de la société est rejeté.