Newsletter CFPA – Janvier 2019
Actualité législative et réglementaire
Publication du Guide du recensement économique des contrats de la commande publique – Direction des affaires juridiques du Ministère de l’Économie, des Finances, de l’Action et des Comptes publics.
Après avoir rappelé le cadre général et notamment, l’obligation de recensement pour les achats supérieurs à 90 000 euros HT, le guide fait un point sur les modalités de recensement dématérialisé via CHORUS pour les achats de l’État ou via REAP pour les autres acheteurs. Il aborde ainsi, point par point, les rubriques du formulaire de recensement.
Actualité jurisprudentielle
Le placement en redressement judiciaire et l’interdiction de soumissionner – Conseil d’État, 25 janvier 2019, Société Dauphin Telecom, n° 421844.
Après avoir rappelé que seules les personnes admises à une procédure de redressement judiciaire qui ne justifient pas être habilitées à poursuivre leurs activités durant la durée prévisible d’exécution du marché doivent être exclues de la procédure de passation, le Conseil d’État apporte des précisions quant au moment où l’acheteur est en droit d’attendre les documents de preuve exigés.
Aux termes de l’article 48 et 55 II du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, hormis dans le cadre d’une procédure négociée restreinte, les éléments de preuve relatifs aux cas d’interdiction de soumissionner ne peuvent être exigés que des seuls candidats auxquels l’acheteur envisage d’attribuer le marché et non lors du dépôt des dossiers de candidature.
Au cas présent, la procédure n’était pas entachée d’irrégularités. La collectivité s’était à juste titre bornée à exiger que la société placée en redressement judiciaire communique les jugements en question qu’après avoir retenu son offre.
Enfin, la société ne se trouvait pas dans un cas d’interdiction de soumissionner. Le plan de redressement mis en place prévoyait l’apurement du passif sur une durée limitée, durée inférieure à la durée d’exécution du marché. Enfin, le plan de redressement ne limitait pas dans le temps la poursuite de l’activité de l’entreprise.
Le contenu d’une lettre de mise en demeure – Cour administrative d’appel de Bordeaux, 12 décembre 2018, Commune d’Aucamville, n° 16BX00841.
La Cour administrative d’appel de Bordeaux est venue rappeler que la régularité d’une décision de résiliation pour faute s’analysait notamment au regard des termes du courrier de mise en demeure. Le courrier de mise en demeure doit indiquer le risque de résiliation aux torts du titulaire et procéder à un constat contradictoire des manquements reprochés.
Au cas présent, les mentions au courrier ne respectaient par ces prescriptions.
Pour autant, la résiliation était bel et bien fondée, en tant que les manquements relevés étaient suffisamment graves pour justifier la mesure. Si la société était en droit d’obtenir le paiement des travaux effectués, elle ne pouvait prétendre à l’indemnisation de son préjudice subi du fait de la mesure de résiliation.
L’acheteur ne pouvait, de son côté, exiger de mettre à la charge de la société le surcoût du nouveau marché.
Responsabilité décennale de l’État agissant en qualité d’assistant technique à maîtrise d’ouvrage (Cour administrative d’appel de Nantes, 4 janvier 2019, Commune de Châtillon-en-Vendelais, n° 17NT03878).
Dans le cadre d’une opération de réfection de la voie communale, une commune avait conclu avec les services techniques de l’État une convention d’assistance technique sur le fondement des dispositions de l’article 7-1 de la loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République (« ATR ») alors en vigueur, en vue de la réalisation de travaux de réfection de la voirie communale.
A la suite de la réception sans réserve du marché, la commune a constaté des dégradations de la voie. Elle a fait nommer un expert par le tribunal administratif et par la suite, engagé un recours en vue d’obtenir la condamnation conjointe et solidaire de l’État et de la société titulaire du contrat de travaux en réparation du préjudice résultant des désordres apparus. Le tribunal administratif de Rennes a condamné conjointement et solidairement l’État et la société titulaire.
L’État a fait appel du jugement.
La Cour administrative d’appel a suivi le raisonnement du Tribunal administratif. Après avoir rappelé que l’action en garantie décennale n’était ouverte au maître de l’ouvrage qu’à l’égard des constructeurs avec lesquels il avait été lié par un contrat de louage d’ouvrage, la Cour administrative a qualifié le contrat conclu entre les services techniques de l’État et la commune de contrat de louage d’ouvrage. Ce dernier portait sur la programmation de travaux, la conduite d’études et la passation des marchés de travaux, pour lesquels l’intervention des services de l’État n’était pas obligatoire.
Les causes d’exonération n’étaient pas invocables en l’espèce, en tant que les désordres avaient trouvé leur origine dans les fautes commises par les services techniques de l’État lors de la conception de l’ouvrage et par la société en cause lors de la réalisation des travaux.
Contestation d’une décision de résiliation de leur agrément par les sous-traitants – Cour administrative d’appel de Lyon 14 janvier 2019, Les Hospices Civils de Beaune, n° 16LY04384
Dans le cadre d’un marché public de travaux pour lequel le titulaire avait conclu deux contrats de sous-traitance portant sur le désamiantage et la démolition acceptés et agréés dans leurs conditions de paiement par l’établissement public de santé, la Cour administrative d’appel de Lyon a reconnu la faculté pour le sous-traitant de demander l’annulation de la mesure de résiliation pesant à son encontre.
En raison de divers manquements constatés dans l’exécution des travaux, l’établissement public de santé avait notifié au titulaire du marché public sa décision de mettre fin aux agréments accordés à un des sous-traitants. La société sous-traitante a présenté, au juge administratif, une première demande tendant à l’annulation de la décision de l’établissement de santé mettant fin aux agréments, puis, après avoir formé une demande indemnitaire préalable, elle a saisi la même juridiction d’une seconde demande tendant à la condamnation de l’établissement public au paiement des factures et à l’indemnisation des préjudices résultant de ses frais généraux non amortis et de son manque à gagner. La Cour administrative d’appel de Lyon, saisie en appel, a considéré que le sous-traitant était recevable à contester la décision de résiliation de l’acte spécial de sous-traitance et demander la reprise des relations contractuelles.
La Cour administrative d’appel de Lyon, après avoir relevé que si le sous-traitant pouvait effectivement contester la décision de résiliation de l’acte spécial de sous-traitance, les moyens invoqués à l’appui de la demande d’annulation de la décision litigieuse, ne pouvaient être utilement invoqués pour contester la décision de l’établissement public.
En l’occurrence, le sous-traitant se prévalait des irrégularités tenant aux conditions et formes dans lesquelles la décision de résiliation était intervenue, à savoir l’insuffisance de motivation et le non-respect de la procédure contradictoire.
En revanche, concernant l’indemnisation, le juge n’a pas rejeté les demandes.
Il résulte des dispositions relatives à la sous-traitance, que le titulaire d’un marché demeure personnellement responsable à l’égard du maître d’ouvrage, de la bonne exécution du marché tant pour les travaux qu’il réalise lui-même que pour ceux qu’il a confiés à son sous-traitant. Ainsi, le maître d’ouvrage ne peut, en l’absence de tout lien contractuel avec le sous-traitant, exercer en lieu et place du titulaire du marché, lié par un contrat de droit privé avec son sous-traitant, et responsable personnellement de la bonne exécution du marché vis-à-vis du maître d’ouvrage, un contrôle sur la qualité des prestations exécutées par le sous-traitant. En d’autres termes, la décision de résiliation de l’agrément du sous-traitant ne pouvait être motivée par les manquements commis par lui. La responsabilité de l’établissement public est dès lors engagée et les conclusions indemnitaires ne peuvent être rejetées. Le maître d’ouvrage serait, en revanche, en mesure de résilier un agrément octroyé à un sous-traitant s’il constatait que les conditions conditionnant la délivrance de cet agrément n’étaient plus réunies, c’est à dire, notamment, si le sous-traitant se trouvait frappé par une interdiction de soumissionner.