Newsletter CFPA – Juin 2018
Actualité législative
Guide « très pratique » de la dématérialisation des marchés publics – acheteur public – Direction des affaires juridiques Ministère de l’économie et des finances, mai 2018.
Dans la perspective de la dématérialisation de la passation des marchés publics à compter du 1er octobre 2018 pour l’ensemble des acheteurs, la DAJ publie un guide à l’intention des acheteurs afin de les accompagner dans cette étape. Le guide se présente sous forme d’une foire aux questions, orientée autour de quatre thèmes : profil acheteur, échanges dématérialisés, signature électronique et DUME.
Son pendant a été publié à l’attention des soumissionnaires.
Actualité jurisprudentielle
Autonomie des entreprises liées – Cour de justice de l’Union européenne, 17 mai 2018, Šiaulių regiono atliekų tvarkymo centras, C 531/16
La Cour de justice de l’Union européenne a eu le loisir de rappeler les conditions de participation, à la procédure de passation d’un même marché, d’entreprises ayant des liens entre elles.
Les juridictions lituaniennes se sont tournées vers la Cour de justice de l’Union européenne afin de connaitre la position à adopter lors de la participation à une même procédure de passation d’entreprises ayant, entre elles, des liens financiers, capitalistiques et de gouvernance.
Lors d’un appel d’offres portant sur l’attribution d’un marché de service de collecte de déchets, deux entreprises filiales d’une entreprise mère ont soumissionné. Les liens avec l’entreprise mère étaient :
- 100 % du capital pour l’une, 98,12% pour l’autre,
- composition identique des organes d’administration.
Une des deux filiales, attributaire pressentie, avait attesté sur l’honneur participer de manière autonome et indépendante de tout autre opérateur économique à la procédure de passation.
Après avoir rappelé que le droit européen n’interdisait pas, pour les entreprises liées entre elles, de présenter des offres pour une même procédure de passation, la Cour juge qu’une telle interdiction serait contraire au droit européen si elle était généralisée, mais que les documents de la consultation pouvaient le prévoir si l’objet du marché le justifiait.
Dans le cas sur lequel la Cour statue, ni la législation nationale ni les documents du marché n’imposaient :
- au soumissionnaire de déclarer ses liens avec d’autres opérateurs participants à une même procédure de passation,
- à l’acheteur de vérifier les liens pouvant exister entre les candidats.
En conséquence, la Cour estime, « la seule constatation d’un rapport de contrôle entre les entreprises concernées, en raison de la propriété ou du nombre des droits de vote pouvant s’exercer lors des assemblées ordinaires, ne suffit pas pour que le pouvoir adjudicateur puisse écarter automatiquement ces offres de la procédure d’attribution du marché, sans vérifier si un tel rapport a eu une incidence concrète sur l’indépendance desdites offres ».
Seule la constatation que les liens entre les soumissionnaires ont eu une influence sur le contenu des offres présentées dans le cadre d’une même procédure aurait donc pu justifier l’éviction des candidats concernés.
La libre détermination de la définition des lots – Conseil d’État, 25 mai 2018, Groupement de société MPPEA, n° 417428.
Sauf exception dûment justifiée, l’acheteur doit allotir son besoin.
En effet, seules l’impossibilité d’identifier des prestations distinctes, la restriction de la concurrence en cas d’allotissement, les difficultés techniques ou financières induites par l’allotissement ou enfin, l’impossibilité en cas d’allotissement d’assurer les missions d’organisation, de pilotage et de coordination peuvent justifier l’absence d’allotissement.
Si l’acheteur est soumis à une obligation d’allotissement, en revanche, il définit librement la consistance, le nombre, la taille et l’objet des lots. C’est ce qu’est venu confirmer le Conseil d’État dans une décision en date du 25 mai 2018.
Un office public de l’habitat a lancé un appel d’offres ouvert en vue de la passation d’un marché public, divisé en neuf lots géographiques, pour l’entretien et la remise en l’état des logements de son patrimoine. Un des candidats évincés a contesté les modalités d’allotissement. A son sens, un allotissement par corps d’état s’imposait. Opérant son contrôle sur l’ordonnance rendue par le juge des référés, le Conseil d’État a rappelé que lorsque le juge administratif est saisi :
- d’un moyen tiré de l’irrégularité de la décision de ne pas allotir un marché, il appartient au juge de déterminer si l’analyse à laquelle le pouvoir adjudicateur a procédé et les justifications qu’il fournit sont, eu égard à la marge d’appréciation dont il dispose pour décider de ne pas allotir, entachées d’appréciations erronées ;
- d’un moyen tiré de l’irrégularité de l’allotissement, le juge ne peut relever les erreurs manifeste d’appréciation entachant la définition du nombre et de la consistance des lots, compte tenu de la liberté de choix dont le pouvoir adjudicateur dispose en ce domaine.
Au cas présent, l’allotissement géographique correspondants aux différents lieux d’exécution des travaux répond à un souci de réduction des délais d’exécution et de coordination. Ce choix fait suite à l’expérience tirée du précédent marché, alloti en 27 lots, qui a rencontré d’importantes difficultés de coordination des interventions et de gouvernance qui ont suivies lors de son exécution.
Eu égard aux justifications apportées par l’office public de l’habitat, le Conseil d’État a conclu à l’absence d’erreur manifeste quant à la consistance et le nombre de lots, le recours a été rejeté.
L’omission du délai de suspension de la signature du contrat n’entache pas la procédure d’irrégularités – Cour administrative d’appel de Douai, 7 décembre 2017, société Tecora, n° 15DA01489.
La Cour administrative de Douai est venue confirmer que l’omission de l’indication du délai de suspension dans les lettres d’information des candidats évincés n’entache pas la procédure de passation d’irrégularité et plus largement, la validité du contrat.
Au cas présent, la procédure de passation avait été lancée sous l’empire du code des marchés publics. L’article 80 du code des marchés publics imposait à l’acheteur, dans le cadre d’une procédure formalisée, de notifier à l’ensemble des candidats le rejet de leur candidature ou de leur offre et de préciser le nom de l’attributaire et les motifs qui ont conduits au choix de son offre, et enfin, l’indication de la durée du délai de suspension.
Cette obligation d’information, reprise à une différence près dans l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, est, en effet, complétée d’une obligation de suspension de signature du contrat durant un délai de 11 jours entre la notification et la signature du contrat en cas d’information dématérialisée et, de 16 jours en cas d’information par voie postale.
Ces obligations d’information et de suspension de la signature du contrat ont une vocation unique : permettre aux candidats évincés de saisir utilement le juge des référés. C’est ce qu’est venue rappeler la Cour administrative d’appel dans l’arrêt commenté.
Partant de là, l’omission de l’indication dudit délai de suspension ne peut vicier ni la procédure ni le contrat.
Ces considérations s’appliquent à la nouvelle réglementation. Cette dernière reprend ces obligations, mais, c’est la différence avec l’ancienne réglementation, impose à l’acheteur de mentionner non plus le délai de suspension, mais la date à compter de laquelle la signature peut être envisagée. En revanche, l’oubli d’indication de la date de suspension ou dorénavant, de la date à partie de laquelle la signature du contrat est possible, ouvre le cas échéant aux candidats évincés la voie du référé contractuel. En l’absence de date, le délai de suspension ne peut commencer à courir et la signature du contrat est nécessairement irrégulière.