Actualité jurisprudentielle
L’appréciation des motifs d’éviction d’une candidature pour insuffisances professionnelles et financières – Cour administrative d’appel de Marseille, 9 octobre 2017, SARL Raffalli Paul Mathieu, n° 16MA04393.
Le département de la Haute-Corse a engagé une procédure d’appel d’offres en vue de l’attribution d’un marché de travaux destiné à l’aménagement d’une route départementale.
La candidature d’un des candidats a été écartée pour insuffisance de ses capacités techniques et financières.
Après avoir rappelé les dispositions du code des marchés publics, applicables à la procédure en cause, le juge administratif a considéré que le département ne justifiait pas de l’insuffisance des capacités de la candidature.
En l’occurrence,
- le département ne fait état d’aucun élément de nature à remettre en cause l’aptitude technique de la société à exécuter le marché, à l’opposé le juge relève que la société dispose d’un personnel et matériel suffisant pour assurer l’exécution ;
- peu importe que le montant du marché représente une part substantielle du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise.
En écartant la candidature, le département a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des capacités professionnelles et financières de l’entreprise, la procédure de passation est donc irrégulière.
Pour connaitre le montant de l’indemnisation à laquelle l’entreprise irrégulièrement évincée à droit, le juge doit vérifier d’abord si l’entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; et, dans l’affirmative, si l’entreprise avait des chances sérieuses d’emporter le marché.
En l’occurrence, son offre n’a pas été analysée, toutefois, il résulte de l’instruction que les notes relatives aux critères « prix » et « délai d’exécution » découlaient d’une formule mathématique et n’étaient plus susceptibles d’évolution, et qu’une analyse préliminaire des offres par le département avait classé la requérante en seconde position. Dès lors cette dernière n’était pas dépourvue de toute chance de remporter le marché litigieux. Toutefois, la société ne démontre pas qu’elle disposait de chances sérieuses de se voir attribuer le marché. En conséquence, elle est seulement fondée à réclamer l’indemnisation des frais qu’elle a dû exposer pour la présentation de son offre.
Cette décision est l’occasion de rappeler les conditions d’accès aux marchés publics aux entreprises en difficulté.
Une entreprise placée en redressement judiciaire ne peut candidater à un marché public qu’à la condition de justifier d’une habilitation à poursuivre son activité durant la période d’exécution du marché. À défaut, l’acheteur public est effectivement tenu de rejeter l’offre (Conseil d’Etat, 10 novembre 2012, Ministre de la Défense, no 341132), sous peine de voir la procédure annulée pour non-respect des obligations de publicité et de mise en concurrence (Conseil d’Etat, 26 mars 2014, Commune de Chaumont, no 374387).
En outre, l’entreprise doit informer l’acheteur de son placement en redressement judiciaire, et communiquer la copie du jugement arrêtant cette situation, dans le cas contraire, son offre est irrégulière et doit être rejetée (Cour administrative d’appel de Bordeaux, 1er décembre 2016, Société Entreprise du Bâtiment Dus, n° 14BX01718).
Appréciation de la régularisation d’une offre irrégulière – Tribunal administratif de Toulon, 24 août 2017, Société Bouygues Energies & Services, n° 1702533
En cas d’offre irrégulière, c’est-à-dire d’offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation notamment parce qu’elle est incomplète ou méconnait la législation, le pouvoir adjudicateur peut autoriser le candidat, en application de l’article 59 du décret du 25 mars 2016, à procéder à la régularisation de son offre à condition de qu’il ne modifie pas substantiellement les caractéristiques de cette dernière.
Le tribunal administratif de Toulon est venu préciser que la notion de modification des caractéristiques substantielles doit s’apprécier poste par poste et non eu égard à l’économie globale du contrat.
En l’occurrence, une commune avait lancé une procédure de passation, sous la forme d’un dialogue compétitif, d’un marché public ayant pour objet la conception-réalisation-exploitation-maintenance pour l’amélioration et la gestion des installations électriques extérieures.
Un des candidats dont l’offre a été rejeté pour irrégularité de son offre initiale et modification substantielle de son offre régularisée, s’est pourvu devant le juge au motif que :
- L’article 59 du décret de 2016 ne trouvait à s’appliquer dans les procédures négociées ou de dialogue compétitif ;
- La notion de modification substantielle doit s’apprécier eu égard à l’économie générale du contrat.
Le juge administratif a rappelé que les dispositions de l’article 59 s’appliquait à l’ensemble des procédures et l’appréciation de la notion de modification des caractéristiques substantielles s’effectue en prenant en compte la valeur du lot technique et non celle du contrat dans son ensemble.
Au cas présent, la régularisation opérée devait être regardée comme modifiant les caractéristiques substantielles de l’offre initiale.
Formalisme du mémoire en réclamation – Cour administrative d’appel de Versailles, 20 juillet 2017, Société TEB, n° 15VE00958.
La jurisprudence est une nouvelle fois venue rappeler l’importance du respect du formalisme du mémoire en réclamation pour la recevabilité du recours.
En l’occurrence, une collectivité avait conclu avec une société un marché ayant pour objet l’acquisition et l’installation de caméras dans des véhicules de la police municipale. La réception fut prononcée avec réserves.
Afin d’être payée de ses prestations, la société a saisi le juge. Déboutée en première instance par le Tribunal administratif pour irrecevabilité de sa demande, elle a saisi la Cour administrative d’appel de Versailles.
Après avoir rappelé, que l’article 37.2 du CCAG-FCS, applicable au marché litigieux, dispose que « tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l’objet, de la part du titulaire, d’un mémoire de réclamation exposant les motifs et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Ce mémoire doit être communiqué au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion », la Cour a rejeté le recours pour irrecevabilité au motif que les différents courriers émis par la société constituaient des relances de factures impayées, ne pouvant recevoir la qualification de mémoire en réclamation, faute de contenir « de manière précise et détaillée, les chefs de [la] réclamation ».
En droit, la qualification de mémoire en réclamation requière la réunion de trois conditions :
- l’exposé des motifs du différend ;
- l’indication du montant des sommes réclamées ;
- les pièces justificatives doivent y être annexées.