La régularisation d’une offre en négociation peut intervenir à tout moment. L’offre d’un candidat doit être qualifiée d’inacceptable dès lors que le pouvoir adjudicateur ne dispose pas des crédits suffisants (Cour administrative d’appel de Marseille, 1er février 2016, Communauté d’agglomération du Grand Alès, n° 14MA01954).
Dans un arrêt en date du 1er février 2016, la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé que :
- le pouvoir adjudicateur pouvait étendre a posteriori la négociation à un candidat dont l’offre a été déclarée par erreur hors délai ;
- une offre doit être qualifiée d’inacceptable dès lors que le montant de l’offre du pressenti attributaire était supérieur au montant prévisionnel prévu pour le marché en cause.
Un candidat évincé a introduit un recours en annulation contre le marché public de maitrise d’œuvre dans le cadre d’une opération de réhabilitation d’un site industriel. Déboutée de sa demande en première instante, la société évincée a interjeté appel.
Elle soutenait notamment que le contrat avait été attribué à l’issue d’une procédure irrégulière en raison de la rupture d’égalité de traitement des candidats dès lors que les offres n’avaient pas été examinées de manière concomitante, et que l’offre de l’attributaire du marché revêtait un caractère inacceptable.
La question de la régularisation de l’offre, la Cour a jugé que la Communauté d’agglomération avait parfaitement pu régulariser la procédure en invitant le candidat à participer aux négociations après avoir considéré dans un premier temps l’offre comme tardive, alors que ce n’était effectivement pas le cas. Dès lors que l’ensemble des critères a bien été analysé, et qu’il a été procédé à une nouvelle analyse de l’ensemble des offres le même jour, « la Communauté d’agglomération n’était pas tenue d’abandonner la procédure en cours et de procéder à une nouvelle consultation ».
S’agissant de la notion d’offre inacceptable, le montant prévisionnel du marché avait été évalué à 185 000 euros hors taxe, l’offre de l’attributaire pressenti s’élevait, après négociation, à 188 000 euros hors taxe et était donc supérieure à l’estimation effectuée. Le principe demeure : « la circonstance que cette offre soit supérieure à l’estimation n’est pas, en elle-même, de nature à la rendre inacceptable si les crédits budgétaires alloués au marché sont suffisants ». Toutefois, relevant que la Communauté d’agglomération ne produit aucune preuve permettant de démontrer qu’elle disposait bel et bien des crédits budgétaires lui permettant de financer l’offre retenue, la Cour juge qu’il lui revenait de rejeter cette offre inacceptable.
Rappelons que la notion d’offre inacceptable est désormais, en application des dispositions du I de l’article 59 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, réduite aux seules offres que le pouvoir adjudicateur ne peut pas se payer : « une offre inacceptable est une offre dont le prix excède les crédits budgétaires alloués au marché public tels qu’ils ont été déterminés et établis avant le lancement de la procédure ». Il ne peut donc être question, pour le pouvoir adjudicateur, de décider d’une rallonge budgétaire en relevant le montant des crédits disponibles après l’analyse des offres pour sauver une offre qui devrait être écartée avant classement.
Les offres ne respectant pas la réglementation, comme les offres anormalement basses, sont désormais qualifiées d’offres irrégulières.
Le manquement constaté n’aura, toutefois, aucune conséquence sur la validité du marché : dès lors qu’il n’a affecté ni le consentement de la personne publique, ni le contenu du contrat et « en l’absence de circonstances particulières révélant une volonté de la communauté d’agglomération […] de favoriser un candidat », l’annulation du contrat ne se justifiait pas. La requête en annulation de la société évincée est donc rejetée.
Les spécifications techniques : le pouvoir adjudicateur peut se référer à un procédé de fabrication spécifique lorsque l’objet le justifie (Conseil d’Etat, 10 février 2016, SIPS, n° 382153)
Les prestations objets du marché sont définies par des spécifications techniques (article 6 du code des marchés publics, I de l’article 31 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015). Les spécifications techniques ne doivent avoir pour effet de créer des obstacles à l’accessibilité de la procédure de mise en concurrence ni de rompre l’égalité de traitement entre les candidats.
Ainsi, « les spécifications techniques ne peuvent pas faire mention d’un mode ou procédé de fabrication particulier ou d’une provenance ou origine déterminée, ni faire référence à une marque, à un brevet ou à un type, dès lors qu’une telle mention ou référence aurait pour effet de favoriser ou d’éliminer certains opérateurs économiques ou certains produits » (art. 6-IV du code des marchés publics, art. 8 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016). Toutefois, le code envisage une dérogation à titre exceptionnel lorsque l’objet du marché le justifie ou lorsque cela est expressément nécessaire pour rendre intelligible le marché et à la condition que les documents du marché prévoient le terme « ou équivalent »
Au cas d’espèce, l’objet du marché était la construction d’un plateau multisports couvert par une toile. Afin de permettre une fixation de la toile à un moindre coût de maintenance, le cahier des charges exigeait que le procédé de fixation de la toile de couverture se fasse par des profilés métalliques inoxydables et non visibles, alors que le brevet de cette méthode appartenait à la société attributaire.
Toutefois, dès lors que le procédé choisi était justifié par l’objet du marché en dépit de son caractère restrictif, le pouvoir adjudicateur n’a pas méconnu les dispositions du code des marchés publics, d’autant que le procédé exigé était maitrisé par d’autres sociétés que l’attributaire et que le candidat évincé avait toujours la possibilité de présenter une solution techniquement équivalente.
Le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu d’approfondir une offre aux termes ambigus (Cour administrative d’appel de Paris, 8 février 2016, Société Reprotechnique, n° 15PA01033)
Par un arrêt du 8 février 2016, la Cour administrative d’appel de Paris a jugé que le pouvoir adjudicateur n’était pas tenu d’approfondir une offre comportant des termes ambigus, même si cela conduisait à juger l’offre seconde.
Aux termes du code des marchés publics, alors applicable, le pouvoir adjudicateur ne pouvait demander aux soumissionnaires de compléter leur offre. Pour autant le dispositif de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris trouve tout de même à s’appliquer aux nouvelles dispositions. En effet, le décret du 25 mars 2016 et son article 59 autorisent désormais le pouvoir adjudicateur à régulariser les offres. Dans la mesure où cette disposition demeure une possibilité laissée à l’appréciation du pouvoir adjudicateur, ce dernier peut parfaitement rejeter une offre irrégulière sans avoir préalablement invité le candidat à régulariser ou encore, juger une offre sans avoir nécessairement demandé des compléments en dépit de ses inexactitudes ou de ses lacunes.