« Je me réserve le droit…… »
La fin d’un cycle ou l’épilogue d’un feuilleton fleuve à rebondissements. Non, il n’est pas fait allusion aux départs émouvants télévisuels de Claire, ou des Dallas et autres Santa Barbara ou Feux de l’Amour (ceux de notre génération comprendront !). Ca y est enfin, le Conseil d’Etat a pris position sur la question de la négociation en MAPA à travers la célèbre phrase qui peuple –presque- tous les règlements de la consultation : « la personne publique (ou le pouvoir adjudicateur) se réserve le droit de négocier… ». Faire ou ne pas faire ? C’est toujours là la question, mais la réponse est surtout dans la rédaction précise de l’amorce : le poids des mots pour éviter le poids des maux, comme toujours ; de quoi s’y attarder !
De l’affaire « Louvre II » à celle de « l’Ecole du Louvre »
Avec un peu de recul, un esprit aiguisé – ou torturé – pourrait penser qu’une relation étroite se noue entre les MAPA et le Louvre. Souvenez-vous de l’affaire « Louvre II » portant sur les conditions de mise en concurrence et de publicité d’un MAPA entre 15 et 90k€. Des Débats et des polémiques dans le sérail de l’achat public, pour finalement faire « pschitt ». Il en sera de même avec l’affaire de l’Ecole du Louvre et l’arrêt enfin tant attendu du Conseil d’Etat (société Axcess, 18 septembre 2015, n°380821). De quoi s’agit-il ? De la négociation en MAPA.
Le feuilleton naît en mai 2009 avec la question d’un parlementaire (Bernard Piras) de savoir si la négociation en MAPA est possible. Théorie du chaos, la vraie question n’est pas là puisque les MAPA peuvent s’inspirer des procédures formalisées. Les vrais enjeux sont de savoir si une négociation annoncée, sous une forme conditionnelle peut être considérée comme optionnelle ou impérative.
Faire ou ne pas faire, that’s the question. Pouvoir faire ou devoir faire, that’s the other question ! Alors comme toujours, les juridictions de premier niveau y sont allées de bon sens en interprétations, tantôt libérales, tantôt radicales.
On peut citer le TA de Toulouse sociéte Jugta (02/03/10) avec laquelle la négociation en MAPA n’est pas obligatoire alors que la même juridiction rappelle l’obligation d’y recourir quand elle est prévue… à condition d’être explicite (société Vitalis Response SAA, 23/11/10).
Le TA de Lille se veut plus catégorique : « c’est oui ou non mais pas peut-être » (Préfet du Nord, 05/04/11) alors que le TA de Marseille est plus pragmatique : négocier sans l’avoir prévu = sanction (Gérard Budel, 20/10/11).
Bref, l’affaire Axcess hante les prétoires et les services achats depuis le 18 avril 2012, mais désormais, avec l’arrêt de la Haute Juridiction, la négociation ne sera plus la Belphégor des procédures adaptées : les sages du Palais-Royal valident – enfin – la possibilité prise par les pouvoirs adjudicateurs en procédure adaptée, de négocier.
L’acheteur peut donc se réserver le droit de négocier avec la rédaction incitative qu’on connaît. Mais plus que de prendre position, le Conseil d’Etat livre une véritable feuille de route et un mode opératoire de la négociation en MAPA.
« La négociation est une marge de liberté donnée à la personne publique pour adapter l’offre à son besoin, dans le respect des principes d’égalité de traitement et transparence. Obliger le pouvoir adjudicateur à informer du choix de la négociation, c’est limiter la liberté offerte par l’article 28 du CMP ».
Eh oui, imaginons un monde Bisounours où, non seulement la négociation est prévue, mais les offres initiales remises sont excellentes (je mets de côté l’urgence du calendrier de la contractualisation). A quoi bon négocier si ce n’est pour perdre du temps si ce n’est pour se regarder dans le blanc de l’œil?
Pis, on comprend que si le RC est muet sur la négociation, c’est que l’acheteur y renonce implicitement.
Sur les bases de l’arrêt CE du 30/11/2011 (ministère de la défense), faut-il rappeler que le pouvoir adjudicateur est libre de choisir avec lesquels des candidats il négociera.
Enfin, le juge n’a pas à se prononcer sur la décision de l’acheteur de recourir à la négociation.
Avec cet arrêt, c’est d’une part, certainement une énième version du guide des bonnes pratiques qu’on peut parier en préparation car le sens de l’arrêt rendu est bien loin de la posture de Bercy… qui rappelons-le quand même, sont dépourvues de toute valeur réglementaire…. D’autre part, c’est tout un pan du contentieux précontractuel qui se clos. Clap de fin !
Les enseignements de « Maître Perez » au décret n°2015-1163 du 17 septembre 2015.
Impossible de se quitter sans évoquer le relèvement du seuil des marchés pouvant être passé sans mise en concurrence. Rappelez-vous ses variations : 4.000€ devenus 20.000€ ramenés à 15.000€ pour enfin, avec le décret sus-nommé, être fixés à compter du 1er octobre à 25.000€ H.T. Alors oui, l’acheteur peut (aussi) se réserver le droit de passer des MAPA sans concurrence et sans publicité jusqu’à… 25.000€ H.T mais sous réserve de ne pas confondre dispense de procédure de mise en concurrence avec une exception absolue. Le seuil de dispense reste soumis aux cas d’exception – ou de tolérance – mentionnés au II et III de l’article 28… et rien d’autre !
La fin d’un cycle n’est jamais un aboutissement, mieux, c’est toujours un renouveau. Non pas qu’il faille pratiquer la méthode Coué à outrance ou s’abriter derrière le vécu pour s’en convaincre. Par exemple, au hasard, la notification d’un marché, ce n’est que le début… (je vous laisse terminer la phrase !). Avoir de la réserve plus que se réserver de faire ou ne pas faire. C’est là le secret de la quiétude, de la sérénité, et des rebondissements.
Quel mois de septembre, quelle fin d’été pour les MAPA ! Assurément, le mois d’octobre sera prometteur…
Quicquid non vos occiderem vos facit fortior !