Newsletter CFPA – Mars 2020
Actualité législative et réglementaire
Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire
La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a pour ambition de modifier les modèles de production et de consommation afin de réduire les déchets et préserver les ressources naturelles.
Longue de 1221 articles, la loi du 10 février 2020 ajoute à divers codes, tels que celui de l’environnement ou de la santé publique, mais aussi le code général des collectivités territoriales. Elle impacte aussi inévitablement le droit de la commande publique, à des degrés divers selon la nature du pouvoir adjudicateur, accroissant l’écart entre les contraintes pesant sur les acheteurs en fonction de la nature du pouvoir adjudicateur.
La loi insère ainsi pour les contrats de commande publique passés par l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements l’obligation, opposable à compter du 1er janvier 2021, d’insérer les clauses utiles dans les cahiers des charges et les critères d’attribution permettant de réduire la consommation de plastique à usage unique, la production de déchets et privilégier les biens issus du réemploi ou qui intègrent des matières recyclées (article 55 de la loi).
Plus précisément et à compter de la même date, les biens acquis annuellement par les services de l’État ainsi que par les collectivités territoriales et leurs groupements devront être issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrer des matières recyclées dans des proportions de 20 % à 100 % selon le type de produit (I de l’article 58 de la loi). Une dispense peut être justifiée par l’acheteur en cas de contrainte opérationnelle liée à la défense nationale ou de contrainte technique significative liée à la nature de la commande publique (II de l’article 58 de la loi), il serait alors nécessaire de d’apporter cette justification selon des modalités que le texte ne fixe pas, mais qui pourraient devoir figurer dans les documents de la consultation ou le rapport de présentation. La liste des produits concernés sera fixée par un décret d’application (III de l’article 58 de la loi).
Pour leurs achats de logiciels, toutes les personnes de droit public ainsi que les personnes de droit privé chargées d’une mission de service public promeuvent le recours à des logiciels dont la conception permet de limiter la consommation énergétique associée à leur utilisation. Cette préoccupation doit donc être intégrée à la définition des besoins et aux spécifications techniques, voire être prises en compte par un critère d’attribution, à compter du 1er janvier 2020.
La loi insère par ailleurs deux dispositions nouvelles dans la partie législative du code de la commande publique. Elles sont applicables dès l’entrée en vigueur de la loi, soit depuis le 12 février 2020, et concernent des achats sectoriels :
- Un article L. 2172-5 relatif à l’achat de constructions temporaires. Lors de ces achats, « les acheteurs ne peuvent exclure les constructions temporaires ayant fait l’objet d’un reconditionnement pour réemploi, sous réserve que leurs niveaux de qualité et de sécurité soient égaux à ceux des constructions neuves de même type. Ils tiennent compte des incidences énergétiques et environnementales de la construction sur toute sa durée de vie. » ;
- Un article L. 2176-6 qui dispose que : « Dans un souci de préservation des ressources naturelles, les achats de pneumatiques effectués par l’État, les collectivités territoriales et leurs opérateurs portent sur des pneumatiques rechapés, sauf si une première consultation s’est révélée infructueuse. Les achats de pneumatiques portant sur les véhicules d’urgence ainsi que les véhicules militaires peuvent être dispensés des obligations prévues au présent article. »
Arrêté du 12 février 2020 fixant un modèle d’avis pour la passation des marchés publics répondant à un besoin d’une valeur estimée entre 90 000 € hors taxes et les seuils de procédure formalisée
Par arrêté en date du 12 février 2020, le ministère de l’économie a fixé un nouveau modèle d’avis pour la passation des marchés publics dont la valeur du besoin est estimée entre 90 000 euros HT et les seuils de procédure formalisés. L’usage de ce modèle d’avis deviendra obligatoire à compter du 1er janvier 2022.
Il est décomposé en six sections :
- l’identification de l’acheteur ;
- les moyens d’accès aux documents de la consultation ;
- la procédure ;
- l’identification du marché (type, code CPV, durée, etc.) ;
- la description des lots ;
- les informations complémentaires.
Ce modèle d’avis a pour objet d’harmoniser les avis de publicité pour les marchés en-dessous des seuils et de simplifier la publicité en n’y mentionnant que les informations indispensables. Si elle donne une feuille de route plus précise aux acheteurs en termes de publicité, elle ajoute toutefois à ses contraintes réglementaires.
Actualité jurisprudentielle
Appréciation des offres anormalement basses – Cour administrative d’appel de Marseille, 27 janvier 2020, Société XL Ingénierie, n° 18MA02886.
Le juge administratif, par un arrêt en date du 27 janvier 2020, est venu rappeler l’obligation de demander des précisions au soumissionnaire dont l’offre paraitrait anormalement basse.
Il est de jurisprudence constante, maintenant codifiée, qu’un acheteur qui soupçonne une offre, et non un des prix de l’offre, d’être anormalement basse, doit préalablement au rejet de l’offre, demander des précisions au soumissionnaire concerné. Au cas présent, l’acheteur avait rejeté l’offre du candidat sans lui avoir demandé préalablement des précisions sur les caractéristiques de son offre.
L’acheteur n’étant pas en mesure de démontrer que des précisions avaient été demandées, la Cour a donc en toute logique indemnisé le préjudice du candidat irrégulièrement évincé à hauteur des frais de présentation de son offre. L’entreprise avait des chances, qualifiées par le juge de non sérieuses, de remporter le marché.
Offre anormalement basse et concessions – Conseil d’État, 26 février 2020, Commune de Saint-Julien-en-Genevois, n° 436428.
Par cette décision, le Conseil d’État précise que le régime des offres anormalement basse n’est pas applicable aux contrats concessifs.
Ni le code de la commande publique ni la législation antérieure relative aux contrats concessifs ne prévoyaient de dispositions relatives aux offres anormalement basses dans les contrats de concession.
Cependant, si le régime de détection et de rejet des offres anormalement basses n’est pas transposable aux contrats de concession, pour autant la logique de la bonne exécution du contrat doit quant à elle primer.
Le régime relatif aux offres anormalement basses est motivé par la nécessité d’écarter les offres ne garantissant pas la bonne exécution du marché. Ainsi, si le régime des offres anormalement basses n’existe pas en tant que tel pour les contrats de concession, le rejet d’une offre au motif qu’elle ne permettrait pas la bonne exécution du contrat semblerait, pour autant, envisageable :
« En quatrième lieu, si la société JC Decaux France soutient que l’offre de la société Girod Médias serait » anormalement basse « , la prohibition des offres anormalement basses et le régime juridique relatif aux conditions dans lesquelles de telles offres peuvent être détectées et rejetées ne sont pas applicables, en tant que tels, aux concessions. Au demeurant il ne résulte pas de l’instruction qu’à supposer que des prestations supplémentaires soient effectivement commandées à la société Girod Médias aux conditions figurant dans son bordereau de prix unitaires, une telle circonstance serait, à l’évidence, de nature à compromettre la bonne exécution de la concession. ».
Aux termes de cette décision, le Conseil d’État considère, également, qu’un critère relatif aux prix des prestations supplémentaires éventuellement commandées était légal. Le juge des référés avait considéré qu’un tel critère était illégal eu égard au fait que l’étendue des besoins avait été insuffisamment précisé et ne permettait pas de comparer les offres entre elles. L’administration s’était ainsi réservée, pour le juge des référés, une marge de choix discrétionnaire ne garantissant pas l’égalité de traitement des candidats et la transparence de la procédure.
Le Conseil d’État a pris le contre-pied du juge des référés en jugeant qu’un tel critère était légal : « il est loisible à l’autorité concédante, lorsqu’elle estime qu’elle pourra être placée dans la nécessité de commander des prestations supplémentaires au cours de l’exécution du contrat, sans être en mesure d’en déterminer le volume exact, de prévoir, au stade de la mise en concurrence initiale, un critère d’appréciation des offres fondé sur la comparaison des prix unitaires proposés par les candidats pour ces prestations ».